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République centrafricaine : Guerre et misère, produits de l'exploitation
La guerre qui déchirait depuis un mois la République centrafricaine a pour l'instant pris fin. Les rebelles du Séléka, une alliance regroupant différents mouvements, avaient mis en déroute en décembre l'armée centrafricaine complètement déliquescente. Ils ne s'étaient arrêtés qu'à proximité de la capitale, Bangui, face aux troupes d'autres pays africains, notamment le Tchad, appelées à la rescousse par le président centrafricain François Bozizé.
Une conférence regroupant les différentes parties, tenue à Libreville au Gabon sous l'égide de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC), vient d'aboutir à un accord entre Bozizé, les mouvements rebelles armés et l'opposition politique civile présente à Bangui. Le président Bozizé resterait en place jusqu'à la fin de son mandat en 2016. Son Premier ministre serait un membre de l'opposition civile, Nicolas Tiangaye, qui ne pourrait être révoqué. Mais rien ne dit que le président respectera tant soit peu les termes de l'accord, une fois le danger passé.
Comme toujours, les premières victimes de cette guerre ont été les populations. Des pillages ont accompagné les mouvements de troupes et des dizaines de milliers de personnes ont été touchées. Des deux côtés on a enrôlé des enfants-soldats. À Bangui, les milices suscitées par le pouvoir s'en sont prises à la minorité musulmane, accusée d'aider les rebelles. Ces exactions se sont ajoutées à la misère chronique du pays, un des plus pauvres du monde bien que son sous-sol soit riche en diamants et qu'Areva y ait longtemps exploité un gisement d'uranium, depuis peu abandonné suite à la baisse des cours mondiaux.
Pendant toute cette crise la France, ancienne puissance coloniale, a choisi de rester à l'arrière-plan malgré les appels à l'aide de Bozizé, ce qui ne l'a pas empêchée d'être discrètement à la manoeuvre. Le dispositif militaire français à Bangui a été triplé à toutes fins utiles et porté à 600 hommes. Laurent Fabius est intervenu pour indiquer la marche à suivre, celle d'un compromis sous l'égide de la CEEAC. Mais ce sont les troupes de ces pays, Tchad, Congo, Gabon, Cameroun, qui ont établi la ligne de défense autour de Bozizé. Pour plus de sûreté, celui-ci a même fini par appeler des soldats sud-africains.
Il est difficile de dire quelle aurait été la politique des rebelles. Coalition hétérogène de groupes issus de précédentes rébellions, ils sont surtout unis par le désir de renverser Bozizé. Mais il est par contre clair que l'objectif des États africains, et derrière eux de la France, est avant tout de maintenir le régime en place, au nom de la stabilité.
Le choix qu'ont fait les dirigeants français de mener une éventuelle guerre avec le sang de soldats africains, dans ce pays où ils ont aujourd'hui moins d'intérêts, n'empêche pas l'impérialisme français de porter une responsabilité écrasante dans la misère qui y règne et les guerres qui le ravagent à intervalles réguliers. Pendant toute la colonisation, il pilla sans vergogne ce qui s'appelait alors l'Oubangui-Chari puis, l'indépendance venue, soutint des dictateurs comme Bokassa, ancien sergent de l'armée française qui se fit proclamer empereur et offrait des diamants à Giscard d'Estaing. L'actuel président lui-même, François Bozizé, a conquis le pouvoir en 2003 avec l'appui des forces tchadiennes et l'assentiment de Paris. Le rôle que joue la France est toujours celui de gendarme de l'Afrique.