- Accueil
- Lutte ouvrière n°2318
- États-Unis : La « falaise fiscale » Une montagne de démagogie accouche d'une souris
Dans le monde
États-Unis : La « falaise fiscale » Une montagne de démagogie accouche d'une souris
Après des mois de négociations à grand spectacle assorties de nombreux rebondissements, le Sénat et la Chambre des représentants ont finalement voté un projet de loi qui fait passer le taux d'imposition sur le revenu des plus riches de 35 à 39,6 % et qui repousse de deux mois la limite prétendument si intangible de ces coupes automatiques dans les dépenses qui constituaient le mur fiscal.
Ce sont le président Obama et le Congrès eux-mêmes qui avaient fixé cette règle en août 2011 : le plafond autorisé de la dette était relevé de 1 200 milliards de dollars mais il fallait réduire d'autant les dépenses sur dix ans. Soit les élus des deux partis parvenaient à un accord sur les économies à réaliser, soit des coupes automatiques dans toutes les dépenses, d'un montant total de 110 milliards de dollars pour 2013, s'appliqueraient pour moitié sur les dépenses militaires et pour moitié sur les dépenses civiles. Cela représentait des coupes budgétaires de 8 à 10 %.
La menace de ces coupes automatiques était censée obliger les deux partis à se mettre d'accord. Mais le jeu des uns et des autres vis-à-vis de leur électorat n'est pas simple : les coupes automatiques peuvent être très pratiques pour dédouaner les uns et les autres de mesures impopulaires. Leur utilisation comme épée de Damoclès peut permettre d'exonérer les élus d'avoir accepté des concessions « moins pires ».
Mais surtout les politiciens comme les médias se sont servi de cette menace pour mener une véritable campagne de mise en condition de la population afin de la préparer à des attaques de plus en plus sévères contre ses conditions d'existence. C'est que tous sont bien d'accord pour lui faire payer les énormes subventions aux banques et aux grandes entreprises qui ont fait bondir la dette suite à la crise de 2008. Toutes les agences fédérales ont été priées de faire un plan précis d'économies en cas de saut de la falaise fiscale. Ainsi elles ont envisagé des licenciements, le blocage des salaires, des congés sans solde pour des semaines voire des mois, etc., de quoi semer l'anxiété dans le personnel de ces agences.
Voilà un an et demi que les parlementaires ne parviennent pas à trouver la formule qui leur permettra de s'attaquer au système fédéral des retraites, à la couverture médicale des personnes âgées, à toute une série de programmes vitaux pour la population laborieuse, sans avoir à en payer le prix électoralement. Ils se sont donné deux mois de plus pour trouver un accord et le faire accepter à la population.
De même qu'ils se sont donné deux mois pour relever encore une fois le plafond de la dette, celui des 16 394 milliards de dollars ayant été atteint le 31 décembre. En attendant, le gouvernement ne peut plus emprunter mais le ministre des Finances a affirmé pouvoir se débrouiller un mois ou deux en stoppant toute aide aux collectivités locales et en puisant dans des fonds de certaines administrations !
Pour l'instant, les parlementaires ont prolongé les allocations chômage fédérales qui expiraient au 31 décembre pour deux millions de personnes et ils se sont contentés de traiter le problème des réductions d'impôts sur le revenu décidées sous Bush et reconduites sous Obama qui devaient expirer le 31 décembre. Les exonérations sont maintenues pour tous les revenus inférieurs à 450 000 dollars par an. Mais ce dont les parlementaires se vantent moins c'est que cela n'empêche pas d'autres impôts d'augmenter et en particulier les impôts prélevés sur les salaires dont les exonérations ont aussi expiré et n'ont pas été prolongées. En réalité, les trois quarts de la population verront leurs impôts augmenter cette année, y compris parmi les plus modestes.
C'est dire qu'aux États-Unis aussi l'année 2013 s'annonce mauvaise pour le monde du travail car les attaques les plus importantes sont à venir dans les prochains mois... à moins que les travailleurs, largement avertis par la campagne de mise en condition à laquelle nous venons d'assister, ne se laissent pas prendre à ce très mauvais film et se préparent au contraire à se défendre.