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- Lutte ouvrière n°2313
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Turquie : Grève à l'usine Renault de Bursa
Lundi 12 novembre, l'usine Renault de Bursa, en Turquie, où sont fabriquées des Clio, a été paralysée jusqu'au lendemain par la grève de 1 500 travailleurs de l'équipe d'après-midi.
Dans cette usine de 6 200 salariés, le mouvement est parti du secteur de la tôlerie et a rapidement touché le montage et les autres secteurs. Les travailleurs ont décidé, tout en sachant qu'ils risquaient gros, de faire grève « sur le tas », arrêtant la production sans respecter les procédures réglementaires de préavis. Les grévistes ont occupé l'usine, sans que la maîtrise puisse l'empêcher.
Pour éviter la contagion à l'équipe de nuit, la direction avait annulé la séance de travail de nuit. Elle avait même supprimé les cars de ramassage. Malgré cela, un certain nombre de travailleurs sont arrivés par leurs propres moyens devant l'usine fermée, rejoints par des salariés de l'usine voisine Bosch, venus soutenir les grévistes.
Craignant la contagion, les autorités dépêchèrent rapidement sur place des forces de police impressionnantes, qui évacuèrent l'usine vers 1 h 30 du matin. La présence des dirigeants du syndicat Türk-metal-is, venus devant l'usine non pas pour soutenir la lutte des travailleurs mais pour faire pression afin qu'ils cessent leur mouvement, provoqua des affrontements. Des commandos armés de couteaux et barres de fer agressèrent les grévistes devant l'usine : trois salariés de Bosch furent blessés et durent être hospitalisés.
À la suite de la grève, 34 travailleurs de Renault ont été licenciés pour grève illégale, ce qui n'a pas calmé le mécontentement, loin de là.
Les raisons de la colère
Le mécontentement s'était déjà exprimé à plusieurs reprises, notamment le 9 novembre par le boycott de la cantine. À Renault Bursa, les conventions collectives sont actuellement en cours de renouvellement, comme tous les deux ans. Les 6 200 travailleurs de l'usine font partie des 114 000 salariés affiliés au syndicat Türk-metal-is, qui dépend lui-même de la confédération Türk-is.
Türk-metal-is est connu pour son dévouement aux intérêts du patronat, et ses dirigeants proches de l'extrême droite ne reculent pas devant les méthodes mafieuses. Ils ont préparé un projet de convention sans consulter ni les travailleurs de Renault, ni ceux des autres usines. Dans les négociations, le syndicat s'est limité à demander une augmentation de salaire de 18 %, alors que la majorité des travailleurs estiment qu'ils ont subi une perte de 40 % sur leur pouvoir d'achat au cours de ces quatre dernières années. Le gaz par exemple a augmenté cette année de 40 % -- la plupart se chauffent au gaz. Le salaire minimum, en Turquie, est à 400 euros et les salaires chez Renault s'échelonnent de 500 à 1 000 euros. L'inflation est importante et les salaires ne suivent pas.
Türk-metal-is ne tient pas davantage compte des revendications concernant les conditions de travail, en particulier la flexibilité totale exigée par les patrons du secteur. Quant aux cadences, elles provoquent au bout de quelques années de nombreuses maladies, dont des troubles musculo-squelettiques.
Le mécontentement dans les autres usines
En mars 2012 déjà, des travailleurs de l'usine voisine Bosch avaient exprimé leur désaccord avec Türk-metal-is en « démissionnant » collectivement du syndicat devant notaire -- comme la loi l'impose -- pour pouvoir s'affilier à un autre syndicat jugé plus combatif, Birlesik- metal-is, et pour tenter d'obtenir satisfaction. Ils revendiquent que leurs délégués ne soient pas désignés par l'appareil syndical mais élus par les travailleurs, que le projet de convention collective soit élaboré avec eux et que la signature de la convention collective n'ait lieu qu'après l'approbation de tous.
Ces aspirations sont communes à bien des travailleurs de la métallurgie. Un mécontentement certain règne, au-delà de Renault et Bosch, dans d'autres zones industrielles, comme à l'usine Arçelik (électro-ménager), chez Fiat, chez Otokar Mercedes et aux usines Ford dans la région d'Izmit.
Face à une législation qui rend la grève illégale du moment qu'elle n'est pas appelée par le syndicat, propatronal en l'occurrence, les manifestations de mécontentement continuent sous d'autres formes. Par exemple, elles consistent à refuser de prendre les bus de l'entreprise et à venir à pied, en formant de fait une manifestation, ou bien à boycotter la cantine du patron, comme chez Renault.