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Leur société
Nationalisations et bonnes affaires du patronat
Par ses déclarations à propos de Mittal, qu'elles soient ou non suivies d'effet, Montebourg vient de remettre d'actualité les nationalisations. Ce simple mot a eu la vertu de faire ressurgir les postures politiques traditionnelles, la droite et les tenants de la « liberté d'entreprendre » exprimant aussitôt leur inquiétude.
Pourtant les deux grandes vagues de nationalisations, celle de 1945 comme celle de 1981, ont été accomplies pour la plus grande satisfaction du patronat. D'abord, tout simplement parce que les entreprises nationalisées ont été payées rubis sur l'ongle. Feu Marcel Dassault, marchand de canons et capitaliste multicarte, avait coutume de dire qu'il avait été nationalisé deux fois et qu'il ne s'en portait pas plus mal. Ensuite parce que ces nationalisations satisfaisaient tout à fait les capitalistes.
En 1945, l'État a pris à son compte la remise en route de toutes les infrastructures de transport, de production d'énergie, de communications qui demandaient des investissements lourds et à long terme. Il a pour ce faire centralisé le crédit et la finance et a évidemment demandé aux travailleurs de contribuer à l'effort en acceptant des bas salaires. En même temps l'État a laissé aux capitalistes privés disposant des capitaux frais issus des nationalisations les secteurs immédiatement rentables.
En 1981, il s'agissait de permettre à quelques grands groupes capitalistes de se dégager d'activités de moins en moins rentables pour pouvoir se lancer, armés de leur seul cash, dans des secteurs « d'avenir », la finance au premier chef. La famille de Wendel a ainsi échangé ses usines sidérurgiques contre de l'argent liquide et la production d'acier contre la spéculation sur grande échelle. À en juger par le compte en banque et la morgue de son dernier chef de file, le baron Seillière, cette nationalisation a été pour elle un don du ciel.
Les entreprises nationalisées en 1981 et 1982 sont toutes retournées au privé, après avoir été « nettoyées » par l'État. Par exemple, c'est l'État lui-même qui a licencié des dizaines de milliers de sidérurgistes et fermé de nombreux sites en 1984. Le gouvernement de l'époque, socialiste, bénéficiant de l'appui des députés PCF, y a mis plus de CRS et de matraques que de « dialogue social »... Puis, la sidérurgie « dégraissée » étant redevenue rentable en 1994, elle a été privatisée l'année suivante.
Alors, si elle est autre chose que du bavardage, qu'attendre de la nationalisation « à titre provisoire » dont parle Montebourg aujourd'hui ? Ce qui s'imposerait, dans l'intérêt des travailleurs, c'est l'expropriation de Mittal, sans indemnité ni rachat, assortie de la garantie de tous les emplois.