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Dans le monde
Bangladesh : Les damnés du textile
Samedi 24 novembre plus de 110 travailleurs ont péri dans l'incendie d'une usine textile, Tazreen Fashion à Dacca, la capitale du Bangladesh. L'incendie qui s'est déclaré la nuit a piégé dans l'immeuble de neuf étages un millier de travailleurs. Les victimes, des femmes pour la plupart, sont mortes asphyxiées ou en sautant dans le vide pour s'échapper.
Lundi 26 novembre, des milliers de manifestants, rescapés de l'usine incendiée et ouvriers de la zone industrielle voisine, dénonçaient les conditions de travail dans ces véritables bagnes pour ouvriers où ni la sécurité ni l'hygiène ne sont respectées. Ils ne veulent plus « flirter avec la mort ». Et ce n'est pas qu'une image car, depuis 2006, près de 500 ouvriers sont morts ainsi dans des incendies. 300 ouvriers du textile sont morts également à Karachi, au Pakistan voisin, en septembre dernier dans un autre incendie.
Devant l'émotion soulevée par ce drame, une journée de deuil national a été décrétée mardi 27 novembre et les autorités affirment leur volonté de faire payer le patron de l'usine. Mais c'est à tous les niveaux de l'État que les patrons trouvent des complicités, l'industrie textile étant devenue en quelques années un secteur-clé de l'économie du pays. Le Bangladesh compte aujourd'hui 4 000 usines dans ce secteur et est devenu le second exportateur mondial de vêtements prêts-à-porter avec un chiffre d'affaires de 19 milliards de dollars qui représente 80 % du total des exportations du pays. Ces résultats sont le fruit du travail de quatre millions d'ouvriers parmi les plus mal payés du monde, qui gagnent en moyenne trois euros par jour, deux fois moins que les salaires dans le textile en Chine et trois fois moins qu'en Inde. Et quand ces travailleurs demandent des augmentations de salaire et un salaire minimum, le gouvernement leur envoie sa police, comme en 2010 où les manifestations pour les salaires ont été durement réprimées.
Au-delà des patrons locaux, les principaux bénéficiaires de l'exploitation criminelle de ces travailleurs sont les trusts occidentaux du textile et de l'habillement qui sont les donneurs d'ordres. Les travailleurs de l'usine incendiée travaillaient pour C&A, Carrefour ou encore Ikea. Les profits de ces géants du textile, et c'est vrai dans les autres secteurs d'activité pour tous les trusts, viennent du travail des millions de prolétaires du tiers-monde. C'est en leur imposant des salaires de misère, des conditions de travail d'un autre siècle que ces trusts accumulent des bénéfices colossaux.
L'incendie de Dacca le 24 novembre, celui de Karachi en septembre et leurs centaines de morts montrent que ces profits ne se font pas que sur la sueur et la santé des travailleurs mais aussi malheureusement sur leur vie.