Fusillés de la Première guerre mondiale : L'état-major ne sera pas désavoué14/11/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/11/une2311.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Fusillés de la Première guerre mondiale : L'état-major ne sera pas désavoué

Le ministre des Anciens combattants a annoncé, juste avant l'anniversaire de l'armistice qui a sonné pour l'Allemagne et la France la fin de la boucherie de 1914-1918, sa décision d'attribuer à Jean-Julien Chapelant, un soldat fusillé en octobre 1914 pour désertion, la mention « Mort pour la France ». À ses yeux, en répondant ainsi aux collégiens de Condrieu qui, il y a quelques mois, avaient adressé une lettre à l'Élysée demandant que justice lui soit rendue, il s'agit, à 98 ans de distance, d'une réhabilitation.

Le père du sous-lieutenant Chapelant avait déjà tenté, après l'exécution de son fils, d'obtenir justice pour sa mémoire. Celui-ci, grièvement blessé, avait été fusillé sous prétexte de désertion, attaché sur un brancard. Mais la Cour suprême de justice militaire avait, en juin 1934, maintenu le jugement du conseil de guerre de 1914.

Au fil des ans, d'autres « poilus » ont déjà été « réhabilités », lorsque des associations de soutien ont obtenu que leur dossier soit rouvert. Mais, en près d'un siècle, aucun gouvernement n'a voulu revenir sur l'attitude de l'état-major de l'armée française pendant ces quatre années de guerre. Sur les 140 000 jugements prononcés par les tribunaux militaires en France pendant la Première Guerre mondiale, 2 500 soldats furent condamnés à mort pour désertion, abandon de poste, mutinerie, refus d'obéissance... et 650 furent fusillés « pour l'exemple », sans compter les nombreuses exécutions sommaires impossibles à recenser.

Mais personne n'a jamais inquiété les généraux responsables des massacres censés permettre à l'un des camps de progresser de quelques mètres, voire tout au plus de conserver sa position face à l'autre. Le général Nivelle fut même absous par une commission d'enquête après avoir conduit à la mort près de 200 000 hommes dans les combats du Chemin des Dames, dans une offensive censée durer 24 ou 48 heures qui s'était prolongée pendant deux interminables mois.

Pendant des décennies, les Joffre, Nivelle, Pétain, ces fusilleurs au service de la guerre impérialiste, eurent la caution des politiciens comme des programmes d'histoire. Pendant des années, les livres, les films qui relataient des épisodes les mettant en cause, notamment le cas de Jean-Julien Chapelant, retracé dans Les Sentiers de la gloire, furent réduits à circuler sous le manteau.

Et si en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, les victimes de ces exécutions destinées à maintenir l'autorité armée ont été réhabilitées, en France c'est le cas par cas qui continue de prévaloir et, sur ce sujet, le ministre des Anciens combattants se contente d'un : « Il faut débattre. »

Car admettre la réhabilitation collective qu'exigent depuis longtemps des associations et qu'avait même évoquée le candidat Hollande, c'est encore trop aujourd'hui. Ce serait avouer que l'état-major de l'armée française de 1914 a assassiné des soldats pour rien, ou plutôt pour la défense des intérêts capitalistes français, tout comme celui d'aujourd'hui est encore prêt à le faire si le besoin s'en présente.

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