Handicapés : Derrière la loi, un mépris de fait20/09/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/09/une2303.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Handicapés : Derrière la loi, un mépris de fait

Tout le monde a été choqué de ce qui est arrivé à cette femme, venue au tribunal de Briey, en Meurthe-et-Moselle, réclamer la garde de ses trois enfants, dont l'affaire a dû être examinée dans la rue faute de rampe d'accès pour son fauteuil roulant. Sa mésaventure souligne de façon accablante les conclusions d'un rapport officiel, paru la veille, sur l'accessibilité des lieux publics aux handicapés.

Selon ce rapport en effet, seuls 15 % des établissements recevant du public sont accessibles aux personnes souffrant d'un handicap. Et c'est tous les jours, en d'innombrables circonstances, qu'elles ne peuvent monter dans un bus, descendre dans le métro, entrer dans un magasin, effectuer les démarches les plus élémentaires à la poste, à la mairie, etc., simplement parce que rien n'est prévu pour elles.

Pourtant, cela fait des décennies qu'on en parle. Dès 1975, l'accessibilité a été décrétée « obligation nationale ». Mais pas si obligatoire que cela, puisqu'une loi « handicap » a dû être adoptée trente ans plus tard, qui repoussait à dix ans de plus, soit à 2015, la mise en accessibilité de tous les bâtiments et lieux publics.

À trois ans de l'échéance, le rapport de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) constate que cette loi reste lettre morte dans l'immense majorité des cas, compte tenu de « l'ampleur considérable des travaux à réaliser ».

En fait, il faudrait dire : compte tenu des dépenses à entreprendre. Et elles concerneraient une multitude de domaines. Outre tous les bâtiments officiels, cela va des aménagements des trottoirs au niveau des passages piétons dans une petite commune, bien incapable de budgétiser de tels travaux sans que l'État l'aide financièrement, au logement neuf où, si des « normes handicapés » existent, elles sont rarement respectées car elles n'ont guère de caractère contraignant pour les promoteurs.

Quant à l'habitat ancien, les cafés et restaurants, les magasins, etc., les travaux d'accessibilité, quand ils sont entrepris, ne dépendent que des moyens que les propriétaires veulent et peuvent y consacrer.

En clair, depuis des années les politiques ont voulu paraître se soucier des problèmes des handicapés -- après tout, ils sont aussi électeurs -- mais pourvu que cela coûte le moins cher possible aux finances publiques. Et à condition aussi que cela ne heurte pas vraiment les intérêts de catégories de la population -- promoteurs, commerçants, propriétaires bailleurs, etc. -- dont les élus prennent garde de ne pas provoquer le mécontentement électoral.

Alors, des audiences en plein air comme à Briey, il y en aura d'autres. Et bien après 2015. D'autant que, comme le signale ce rapport, « dans un contexte de crise », l'État est moins que jamais prêt à mettre la main à la poche pour soulager la population, à commencer par ceux qui en auraient le plus besoin.

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