Incendie mortel à Saint-Denis : La rapacité des marchands de sommeil12/09/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/09/une2302.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Incendie mortel à Saint-Denis : La rapacité des marchands de sommeil

Dans la nuit du samedi 8 septembre, un incendie dans un immeuble de Saint-Denis a provoqué la mort de trois personnes et en a blessé seize autres.

Le bilan aurait pu être bien plus dramatique si le voisinage n'avait pas immédiatement réagi en jetant des matelas au bas de l'immeuble pour tenter de sauver les victimes. La solidarité a été immédiate dans ce quartier qui compte nombre de logements vétustes.

Depuis maintenant dix ans, trente personnes ont connu la mort à Saint-Denis dans des drames similaires, pour la plupart tout aussi prévisibles. Car c'est bien la misère et surtout la rapacité et l'incurie des marchands de sommeil qui sont à l'origine de cet incendie. En effet, cet immeuble vétuste de vingt logements, occupé par environ cinquante habitants, pour la grande majorité d'entre eux locataires, était détenu par trois propriétaires occupants et sept propriétaires bailleurs, dont deux détenaient 60 % de l'immeuble, et ne payaient plus les charges depuis des années. Ces bailleurs se contentaient de percevoir des loyers exorbitants, allant jusqu'à 40 euros le m². À cela s'ajoutait bien sûr la gestion défaillante du syndic, qui n'a pas poursuivi ces propriétaires pour qu'ils payent les charges.

Le résultat est que, depuis des mois, l'immeuble était privé d'eau, puisque la dette contractée à l'égard de la compagnie des eaux s'élevait à 80 000 euros. Cela a bien sûr considérablement ralenti les secours.

Ainsi, dans cet immeuble, tous les ingrédients d'un drame prévisible étaient réunis. Il comptait d'ailleurs parmi les bâtiments insalubres privés ciblés pour le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

L'affaire souligne bien l'impuissance des pouvoirs publics face à la sacro-sainte propriété privée et à la faiblesse de tout le dispositif législatif en matière de lutte contre les marchands de sommeil. En effet, les procédures pour obliger les bailleurs à réaliser des travaux, ou tout simplement à payer leurs dettes, relèvent du parcours du combattant.

Ainsi la Mairie a engagé dès 2008 sur cet immeuble des procédures pour obliger les copropriétaires à réaliser des travaux : des arrêtés de péril imminent ont été pris dont l'un fin 2008 à cause d'un risque d'effondrement du plancher. Les copropriétaires ont joué les abonnés absents et c'est la Mairie qui a fini par diligenter les travaux en 2012 -- quatre ans après -- en finançant les 38 000 euros de travaux qu'elle espère pouvoir récupérer auprès des bailleurs. En 2011, la municipalité a adressé un signalement à l'encontre d'un des copropriétaires pour perception de loyers indus. Elle a aussi lancé trois signalements pour saturnisme. Finalement la copropriété a été placée en 2011 sous administration judiciaire, avec pour seul effet d'écarter le syndic véreux.

Les marchands de sommeil, eux, ont continué à percevoir les loyers...

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