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Brésil : Grands travaux et corruption - Les bétonneurs ont gagné la médaille
Une nouvelle affaire de corruption secoue le milieu politique brésilien, une de plus après toutes celles qui en 2011 ont fait successivement démissionner pas moins de six ministres, dont le premier chef de cabinet de la présidente Dilma Roussef. Ce dernier scandale concerne les grands travaux réalisés en vue de la Coupe du monde de football de 2014 et des jeux Olympiques de 2016.
Au départ, on arrêta pour blanchiment d'argent Carlinhos Cachoeira, patron des jeux clandestins de l'État de Goias. Ce trafiquant avait été en 2004 à l'origine du scandale du mensalao (la « grosse mensualité » versée à plus de cent parlementaires en échange de leur vote) qui avait compromis le gouvernement et le Parlement brésiliens, mettant sur la touche la plupart des barons du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir.
Cette fois, l'enquête a mis au jour un système de marchés de travaux publics concédés illégalement par des politiciens de toutes tendances, moyennant commissions, au troisième groupe de BTP du pays, le groupe Delta. Une commission d'enquête parlementaire a été mise sur pied très récemment, à laquelle appartient l'ex-président Collor : un expert, puisqu'en 1998 c'est lui qui avait dû démissionner pour corruption. C'est dire que cette commission risque de voiler la vérité plutôt que de la révéler.
Les grands travaux auxquels participe le groupe Delta font partie du Programme d'accélération de la croissance (PAC), lancé en 2006 par Lula et dont la deuxième tranche a débuté en 2010. Le PAC, qui consiste souvent à faire financer par l'État des infrastructures et des ouvrages qui appartiendront au privé, réalise entre autres des barrages hydroélectriques, des autoroutes, des voies ferrées, des parkings, ainsi que les stades et installations sportives, hôtelières, routières de la Coupe de football et des jeux Olympiques.
Des dizaines de milliards d'euros sont en jeu dans les principales capitales d'États : 17 milliards pour la seule ville de Rio. Les géants du BTP sont prêts à verser quelques millions de commissions pour s'assurer des commandes.
Mais les bétonneurs et promoteurs ne se contentent pas d'empocher les aides de l'État fédéral, des différents États des provinces et des grandes villes. Pour augmenter leurs bénéfices, non seulement ils surexploitent leurs ouvriers, ce qui déclenche des grèves, mais aussi ils remodèlent à leur profit toute une partie des villes. Ils jettent leur dévolu sur des zones de bidonvilles ou d'habitations sans titre de propriété, proposent des indemnisations dérisoires et lancent leurs bulldozers, protégés par la police. Ils chassent la population pauvre vers de lointaines banlieues, manipulent des plans de transports en commun, spéculent sur les zones « libérées » et y attirent les classes aisées. À l'échelle du pays, un million et demi de familles pourraient être déplacées, 170 000 rien que pour Rio.
La commission d'enquête parlementaire a bien peu de chances d'éclaircir le scandale politico-financier autour de Cachoeira. Mais à coup sûr elle ne dira mot de ce scandale social qui frappe toute une partie de la population pauvre des grandes villes, qui s'exilera pour faire place à de nouvelles infrastructures sportives, et à qui en fin de compte on fera payer les déficits plus que probables de ces opérations de prestige.