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Dans le monde
Espagne : Des centaines de milliers de manifestants disent non aux sacrifices qu'on veut leur imposer
En Espagne à l'occasion du 1er-Mai, les travailleurs ont pris une nouvelle fois la parole pour dire non aux mesures antisociales du gouvernement Rajoy. La presse parle de centaines de milliers de personnes dans les rues de quelque 80 villes. C'était un peu moins que le 29 mars, lors d'une journée de grève générale convoquée par les syndicats. Mais il faut aussi, pour évaluer l'ampleur de la mobilisation actuelle, tenir compte du fait que, deux jours plus tôt, le 29 avril avait été l'occasion de manifestations rassemblant déjà des centaines de milliers de personnes.
Ce 1er-Mai exprime une colère populaire, accumulée depuis des années d'attaques contre le monde du travail. Toutes les classes populaires subissent les conséquences d'un chômage qui touche plus de 5,6 millions de travailleurs. Et la récente annonce d'une future hausse de l'IVA (la TVA espagnole), qui se traduira inévitablement par une hausse des prix, a suscité d'autant plus de mécontentement que le chef du gouvernement s'était engagé à ne pas prendre cette mesure.
Face à des attaques redoublées...
Il est certain que le gouvernement du dirigeant socialiste José Luis Zapatero, qui a laissé place en novembre à celui de Rajoy, avait déjà remis en cause de multiples acquis des travailleurs et des classes populaires Mais le rythme s'est accéléré avec l'arrivée d'une droite réactionnaire et arrogante.
La récente « réforme » du droit du travail s'est non seulement traduite par la baisse du coût des licenciements pour les employeurs, mais ceux-ci ont en plus la possibilité de licencier à leur guise. Un salarié peut perdre son emploi pour le simple motif qu'il a eu plus de vingt jours d'arrêt maladie. La porte est ouverte aux baisses de salaires non négociées. Le droit d'embaucher et licencier sans engagement ni contrepartie se traduit par l'extension, sans limite légale, du recours aux contrats précaires.
La classe ouvrière espagnole -- ceux qui ont un emploi, ceux qui n'en ont plus, voire ceux qui n'ont plus d'espoir d'en trouver un durable -- vit dans l'angoisse.
La situation s'aggrave encore si l'on tient compte du dramatique démantèlement des services publics entrepris aussi bien par le gouvernement central que par les autonomies régionales (qui ont plus de pouvoir que les Régions en France).
En même temps que le gouvernement central met, au nom d'un « équilibre budgétaire » nécessaire à la reprise économique, tous ses moyens au secours des financiers, il exige des gouvernements dits régionaux qu'ils cessent d'être déficitaires. C'est dans cette optique que les dirigeants nationaux et régionaux du Parti populaire (PP) s'en prennent systématiquement à tous les services publics, et, en premier lieu, à la santé et à l'enseignement.
Cette évolution, déjà commencée dans les années où le PSOE (Parti socialiste) était au gouvernement, s'accélère et s'accélérera encore si la crise continue et si rien n'arrête ceux qui tiennent les rênes de la société.
La presse n'en finit pas d'annoncer que l'accès gratuit aux soins dans les centres de santé et à l'hôpital est menacé. C'est déjà la réalité pour quelque 150 000 immigrants. Mais cette situation touchera aussi d'autres secteurs de la population. De plus -- et là l'émotion est grande --, les médicaments seront payants pour de nombreuses catégories qui y avaient jusqu'alors gratuitement accès. Ces mesures, allant de pair avec la fermeture de centres de santé de proximité, soulèvent beaucoup d'indignation et conduiront à des renoncements de soins. Et tout cela sans compter les limitations des remboursements de soins de toutes sortes, et la réduction des crédits concernant l'aide à la dépendance.
En ce qui concerne l'éducation, Rajoy annonce pour l'année scolaire 2012-2013 des réductions d'effectifs dans le personnel enseignant qui se traduiront par une hausse des effectifs par classe, à tous les niveaux de la scolarité, ainsi que la généralisation de l'emploi précaire pour le personnel enseignant. Par ailleurs, les droits d'inscription à l'université pourraient passer de 950 euros à 1 490 euros pour l'année scolaire à venir.
... Il faudra s'en prendre aux vrais responsables
Le gouvernement se justifie en expliquant qu'il faut payer la dette. Selon lui, cette dette serait due au gaspillage des administrations locales et, osent-ils dire, aux trop nombreuses mesures d'assistance aux classes pauvres, aux chômeurs et aux jeunes. C'est une imposture. Mais le problème est que, -- l'histoire des dernières années le montre -- les ordres auxquels obéissent les gouvernements viennent de beaucoup plus haut, de la classe capitaliste. Ils ne viennent pas, comme le disent les dirigeants socialistes ou ceux des syndicats qui n'ont rien fait quand Zapatero était au pouvoir, de la trop grande soumission de Rajoy à Merkel, comme si la cause du mal venait de la politique européenne et du diktat des dirigeants politiques de l'Allemagne.
C'est faire mine d'ignorer que les diktats auxquels se soumet l'actuel gouvernement de droite, le leader du Parti populaire, Mariano Rajoy -- tout, comme ceux auxquels s'est plié l'ex-chef du gouvernement José Luis Zapatero -- viennent des grands groupes capitalistes, et des banquiers qui partout sèment la misère. C'est à eux qu'il faudra demander des comptes pour protéger le sort des classes populaires. Beaucoup de travailleurs, de jeunes, de militants ont conscience que les manifestations, si nombreuses soient-elles, ne suffiront pas à les faire reculer. Beaucoup ressentent que la crise qui continue de s'aggraver va obliger le monde du travail à des luttes plus difficiles. Mais si le mécontentement et la volonté de ne pas baisser les bras existent, les classes populaires n'ont pas encore repris confiance dans leur capacité de changer le cours des choses.