Air France : Moins de traductions, mais plus d'accidents ?03/05/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/05/une2283.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Air France : Moins de traductions, mais plus d'accidents ?

La loi du 4 août 1994, dite loi Toubon, du nom du ministre de la Culture de l'époque, fait obligation aux entreprises de fournir à leurs salariés une documentation en français pour tout ce qui se rapporte aux tâches qu'ils ont à accomplir. L'obligation vaut aussi dans le transport aérien, même si les pilotes, les hôtesses et les stewards sont tenus, et ils reçoivent pour cela une formation spécifique, de pouvoir communiquer dans la langue commune de l'aviation civile mondiale, l'anglais.

Mais la loi est une chose, son application en est une autre. Et de fait, même dans les ateliers, les hangars ou en piste, il est bien rare que techniciens et ouvriers disposent d'une documentation technique en français. Quel que soit leur pays d'origine, les constructeurs d'avions et les industriels de l'équipement aéronautique fournissent toujours une documentation standard en anglais car ils produisent pour le monde entier. Bien sûr, pour ceux dont l'anglais n'est pas la langue maternelle alors qu'ils ont la charge d'entretenir ou de réparer les avions, cela peut poser des problèmes. Cela en pose même aux pilotes, pourtant habitués à manier cette langue, qui se sont plaints notamment de ne pas disposer en français d'une check-list d'avant envol : la liste des points à vérifier dans l'urgence d'un décollage.

D'ailleurs, dans les stages Facteurs humains (de risque) que la direction d'Air France a fini par faire suivre à son personnel, en commençant par les pilotes, elle indique : « L'utilisation de la langue anglaise par les salariés français dans des domaines aussi complexes que le transport aérien est accidentogène. »

Nul besoin d'avoir fait Polytechnique pour comprendre comment cela peut générer des accidents : une pièce mal montée sur un moteur dont le plan était en anglais, un circuit électrique de bord mal compris parce que sa notice n'était pas en français ou un point de check-list mal interprété peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Seulement voilà, si la non-traduction génère des accidents, la traduction génère des dépenses. Et Air France, qui n'a jamais vraiment appliqué la loi Toubon, a fini par considérer que faire encore plus d'économies sur ce terrain valait quelques entorses à la sécurité.

C'est ainsi qu'à point nommé pour la compagnie, le 22 mars, une nouvelle loi dite loi Warsman est intervenue pour exclure l'aéronautique du champ d'application de la loi Toubon.

En ne traduisant plus les notices techniques de travail et leurs indispensables mises à jour permanentes, Air France pourra donc faire des économies sans être dans l'illégalité. Les parlementaires ont exaucé les souhaits de la direction de la compagnie, au détriment de la sécurité des vols que les mêmes députés invoquaient, il y a quelques semaines encore, pour faire passer une loi anti-grève dans le secteur aérien.

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