Un crime « plus grave qu'un meurtre », c'est avec de tels mots que le 28 mars, la justice tunisienne a condamné deux diplômés chômeurs, Ghazi el Béji et Jaber el Majri, à sept ans de prison ferme et à 600 euros d'amende chacun. Cela pour avoir publié des ouvrages défendant l'athéisme et critiquant l'islam, et diffusé des caricatures du prophète « nu » et « dans des positions intimes » sur facebook.

Les textes de loi justifiant la condamnation sont les mêmes qui servaient du temps de Ben Ali contre ses opposants, en dénonçant les publications « de nature à porter atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs ».

Le président de la République a tenu à faire savoir qu'il approuvait la condamnation. « Attaquer les symboles sacrés de l'islam ne peut être considéré comme relevant de la liberté d'expression. Nous sommes un pays musulman, et à cet égard, nous sommes contre ceux qui insultent les religions », a déclaré Moncef Marzouki.

La religion place ainsi la société sous son emprise. Les femmes témoignent des pressions exercées dans la rue par les intégristes, qui veulent leur imposer leur loi. En octobre dernier, au moment où le parti Ennahda, se revendiquant d'un islam « modéré », accédait au pouvoir, des groupes religieux plus radicaux s'en prenaient à une chaîne de télévision, menaçant son directeur de mort pour avoir diffusé le dessin animé Persépolis, de Marjane Satrapi, iranienne ayant fui son pays pour échapper notamment à l'oppression des femmes. Une plainte avait été déposée pour « atteinte aux valeurs du sacré », discours relayé alors par le gouvernement.

L'intégrisme religieux progresse en Tunisie, avec la complicité d'un gouvernement qui s'oppose de plus en plus violemment aux aspirations sociales des classes populaires. Deux aspects d'une même politique que celles-ci devront combattre de front.