Martinique : Procès en appel de Ghislaine Joachim-Arnaud - Le racisme, c'est l'idéologie des maîtres!05/04/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/04/une-2279.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C172%2C231_crop_detail.png

Dans le monde

Martinique : Procès en appel de Ghislaine Joachim-Arnaud - Le racisme, c'est l'idéologie des maîtres!

C'est quelque trois cents personnes qui se sont regroupées, jeudi 29 mars, dans et aux abords de la cour d'appel de Fort-de-France, au morne Tartenson. Elles ont manifesté leur soutien à notre camarade Ghislaine Joachim-Arnaud, qui a fait appel de sa condamnation, en première instance, à 3 000 euros d'amende et 1 euro de dommages et intérêts, sur plainte de l'association Collectif DOM.

La plainte avait été déposée à l'issue d'une émission de télévision sur ATV, parce que Ghislaine Joachim-Arnaud avait écrit en créole sur le livre d'or : « Matinik sé ta nou, Matinik sé pa ta yo, an band béké volè, pwofitè nou ké fouté yo déwô », slogan repris par des dizaines de milliers de manifestants lors de la grève générale de 2009. (« La Martinique est à nous, elle n'est pas à eux ; une bande de békés voleurs, profiteurs, on les mettra dehors ».)

Cette audience d'appel a été une nouvelle occasion de souligner le caractère politique, de classe, de ce procès, le fait qu'il oppose deux camps : celui des travailleurs à celui de tous les gros possédants, notamment békés, descendants des vieilles familles esclavagistes.

Après les interventions de l'avocate de la partie civile et du procureur, tous deux pour dire que l'usage même du mot « béké » vaut « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence », Ghislaine Joachim-Arnaud a fait une déclaration, dont voici quelques passages :

« Un certain M.Hayot a choisi de tenter d'inverser les rôles en m'accusant d'inciter à la haine raciale. Alors, qu'importent ses accusations et sa volonté de se faire passer pour victime ! On sait que depuis bien longtemps les seules victimes de l'arrogance, de l'oppression et du racisme de certains gros propriétaires, gros patrons et planteurs issus du milieu béké, ce sont les travailleurs, la couche majoritaire de la population, issue d'une histoire que personne ne peut changer. Cette histoire qui a perpétué des rapports de maître à esclave en rapport de patrons à salariés, tels que nous les vivons aujourd'hui...

Ce n'est pas à moi, ni à quiconque de la population laborieuse qui se bat pour mieux vivre, pour être mieux traité par ces patrons, à démontrer notre non-racisme... ».

Le représentant de la CGT-France, témoin de moralité, confirma l'hostilité de tout le mouvement syndical, partout et toujours, à toute manifestation de racisme. D'autres témoins, militants de la CGTM, réaffirmèrent que le sens de « béké », en créole, s'élargissait depuis toujours pour désigner le « patron » (travay bétché : travail du patron -- quelle que soit la couleur de celui-ci, voire même l'administration --). L'un d'eux, tirant de l'évangile de Luc l'image de Jésus chassant les marchands du temple : « Vous avez fait de ma maison une caverne de voleurs », souligna que personne n'y voit un appel à la haine.

Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la CGTG et militant de Combat Ouvrier en Guadeloupe fit une forte déclaration à la barre : ouvrier agricole de la banane, il donna quelques exemples de l'exploitation éhontée et du mépris des patrons békés dans les plantations de banane. Les applaudissements retentirent alors dans la salle d'audience. Une délégation du LKP avec Elie Domota avait aussi fait le déplacement de Guadeloupe, ainsi que Combat Ouvrier Guadeloupe avec Max Céleste.

Les quatre avocats, dans leurs plaidoiries, insistèrent notamment sur la forte dose d'ignorance, volontaire ou non, qu'il y a à vouloir juger un slogan, sans se soucier le moins du monde inique dans lequel il est apparu et de son histoire.

Le jugement est mis en délibéré jusqu'au 3 mai. Mais pour tous les participants au rassemblement, la condamnation de la société d'exploitation et de la façon dont elle voudrait que la justice la défende est bien effective.

À la sortie du tribunal les « Matinik sé pa ta yo... » redoublèrent, et on entonna l'Internationale

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