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- Lutte ouvrière n°2278
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Maroc - Le suicide d'une jeune fille : Une loi qui protège les violeurs
Le 10 mars, une jeune fille marocaine de 16 ans est morte à Larache, non loin de Tanger, au Maroc. Amina al Filali s'est suicidée, en avalant de la mort-aux-rats, parce qu'elle avait été mariée de force à l'homme qui l'avait violée.
L'horreur de la situation de la jeune Amina éclate parce qu'elle s'est donné la mort. Mais combien d'autres femmes et jeunes filles la vivent, au Maroc ? Il n'existe bien sûr pas de statistique pour le dire. La loi, en l'occurrence l'article 475 du code pénal, a permis au violeur d'Amina d'échapper à des années de prison pour le « délit » de viol sur mineure, en échange de son mariage avec sa victime.
Tout ce que la société marocaine a de plus moyenâgeux est tombé d'accord, il y a quelques mois, pour condamner... la petite Amina à une deuxième et tragique agression : elle a été forcée d'épouser son violeur. Sa propre famille a retiré sa plainte, préférant ce mariage forcé au déshonneur qu'auraient représenté à ses yeux, comme sans doute à ceux de l'entourage, la virginité perdue d'Amina et sa réputation salie. Puis le mariage a été prononcé par le tribunal de la famille de Larache, suite à une réconciliation arrangée des deux familles.
Le code de la famille, réformé en 2004, a certes permis quelques avancées du statut de la femme, auparavant totalement considérée comme une mineure passant de l'autorité du père à celle du mari ; mais, par exemple, le droit à la polygamie n'en est pas totalement exclu, et surtout, de nombreuses dérogations peuvent être obtenues, en particulier pour le mariage de mineures en principe interdit. C'est ainsi qu'en milieu rural une augmentation de 50 % des mariages de mineures a pu être observée entre 2006 et 2007. Sur ces mariages, combien d'« arrangements » familiaux ?
Le « double viol » d'Amina, suivi de son suicide, a provoqué des rassemblements indignés : 300 personnes devant le tribunal de Larache. Puis des féministes ont organisé un sit-in devant le parlement marocain à Rabat, pour exiger l'abrogation de l'article 475.
La loi marocaine aide à se perpétuer des conceptions sociales et religieuses qui réduisent les femmes au statut de marchandise, dépréciée lorsqu'elle a perdu son hymen. Et elle s'appuie sur la misère qui, dans les régions pauvres et sans travail, pousse à marier les filles à l'âge où elles devraient fréquenter l'école.