Sarkozy, le poulet halal, le veau casher : Cuisine électorale strictement réactionnaire07/03/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/03/une-2275.gif.445x577_q85_box-0%2C10%2C169%2C230_crop_detail.png

Leur société

Sarkozy, le poulet halal, le veau casher : Cuisine électorale strictement réactionnaire

Sarkozy a tout d'un coup découvert que la préoccupation première des électeurs serait la question de la viande halal. Pourtant même lui n'y croyait pas la semaine dernière, lorsqu'il déclarait que cette question, qui ne concernait que 2,5 % de la consommation de viande, « n'avait pas lieu d'être ». Mais la course aux voix avec le Front national a sa logique et le candidat-président s'est donc prononcé pour l'indication du mode d'abattage sur tous les produits de boucherie.

Depuis des années, aussi bien le gouvernement que les professionnels de l'abattage et les religieux s'étaient opposés à cette traçabilité de la viande et des volailles. Pour les propriétaires d'abattoirs, l'abattage halal ou casher, c'est-à-dire sans étourdissement préalable de l'animal, ce qui était la règle jusqu'en 1964, présente un avantage économique certain : une opération en moins augmente la rapidité de la chaîne, simplifie le processus et diminue le nombre d'ouvriers. C'est donc tout bénéfice. De plus, une même carcasse peut être certifiée halal ou casher pour la partie avant, ou bien viande de boucherie non spécifiée pour la partie arrière, et c'est encore ça de gagné.

Les « autorités » religieuses qui monnayent leur certification ne tiennent pas non plus à cette traçabilité. Comme il y a autant de halal que d'imans et autant de casher que de rabbins, un contrôle de l'État serait une intervention dans les querelles théologiques qui font les délices, et les profits, des docteurs de la loi. Ils n'ont pas non plus une envie folle que ce label soit décerné par l'État. Soucieux de se concilier les faveurs des religieux et de protéger les intérêts des sociétés de boucherie et du grand commerce, le gouvernement avait refusé jusque-là tous les projets de loi sur la question. Exactement comme le moine qui voulait manger du poulet le vendredi baptisait sa volaille brochet, quasiment n'importe quel produit peut se trouver halal ou casher par la grâce d'une étiquette et de la rente versée à un religieux, sans que personne n'y trouve à redire.

Le changement de Sarkozy sur la question ayant quelque peu surpris son propre camp, Fillon a tenté de calmer le jeu en avançant que cette histoire d'abattage rituel était un héritage du passé et qu'en matière de boucherie il valait mieux se préoccuper avant tout d'hygiène. Mal lui en a pris : le Conseil du culte musulman, mis en place par Sarkozy, et le Conseil représentatif des institutions juives (CRIF), dont le penchant à droite est bien connu, sont aussitôt montés au créneau en affirmant que l'État n'a pas à se mêler de la religion. Rabbins et imans sont d'accord sur ce point : l'abattage des animaux fait partie de la révélation divine et ne saurait être discutée par le commun des mortels, fût-il Fillon.

L'affaire devient si embrouillée qu'aujourd'hui une vache ne retrouverait pas ses petits dans cette concurrence d'arguments plus réactionnaires et plus hypocrites les uns que les autres.

Pendant ce temps-là, un abattoir qui n'est ni casher, ni halal, ni très catholique, l'abattoir à emplois, fonctionne à plein régime...

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