Grande-Bretagne : Du chômage officiel au chômage réel07/03/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/03/une-2275.gif.445x577_q85_box-0%2C10%2C169%2C230_crop_detail.png

Dans le monde

Grande-Bretagne : Du chômage officiel au chômage réel

En janvier, après une nouvelle hausse de 5 % au cours du dernier trimestre 2011, le nombre des chômeurs britanniques a atteint son niveau le plus élevé depuis 1995, 2,685 millions, soit plus d'un chômeur pour dix salariés, dont un million de jeunes de moins de 24 ans. Mais, aussi catastrophiques qu'ils soient, ces chiffres ne font que cacher la réalité.

D'abord il y a ce subterfuge éculé servant à masquer le chômage qu'est le travail à temps partiel. Depuis la politique de flexibilité des années 1990, sous Tony Blair, le temps partiel a explosé et cette explosion s'est accélérée avec la crise. Au point qu'aujourd'hui il représente plus d'un quart des emplois salariés.

Ensuite vient un autre subterfuge, hérité lui aussi des travaillistes, l'apprentissage. À ceci près que, sous couvert de lutter contre le chômage des jeunes, le gouvernement Cameron lui a ajouté une incitation en faveur des patrons, qui leur permet de payer les apprentis entre un tiers et la moitié du salaire minimum. Moyennant quoi, l'apprentissage est monté en puissance. Or, parmi les 441 000 apprentis qui ont commencé un stage en 2011, pas moins de 40 % avaient plus de 25 ans, y compris 3 500 ayant plus de 60 ans !

Pour finir, il faut ajouter un dernier subterfuge, plus ancien puisqu'il remonte aux années 1980, sous Margaret Thatcher : les travailleurs « indépendants ». Il s'agit de salariés déguisés, réputés être « à leur compte ». Ils ne bénéficient ni de la retraite ni de congés maladie, ne sont pas couverts par la législation du travail et peuvent être licenciés à tout moment. Quant aux employeurs, ils n'ont pas à payer de cotisations sociales pour leur compte. Jusqu'à la crise, cette catégorie était surtout répandue dans le bâtiment et dans les emplois très qualifiés dans les autres secteurs. Mais depuis la crise leur nombre a brutalement augmenté. Aujourd'hui ils sont 4,4 millions, soit près de deux pour dix emplois salariés. Mais le fait sans doute le plus significatif est que, sur les 300 000 nouveaux « indépendants » qui se sont rajoutés au cours de l'année écoulée, 90 % travaillent à temps partiel et sont pour la plupart non-qualifiés !

Obtenir des travailleurs qu'ils acceptent de telles conditions d'emploi nécessite, bien sûr, tout un système de coercition. Là aussi, le gouvernement Cameron n'a eu qu'à affiner ce que les travaillistes avaient mis en place avant lui. À défaut de créer des emplois pour les chômeurs, le « marché » est désormais chargé de leur faire passer le goût de se déclarer comme tel.

Le travail des ANPE anglaises a été sous-traité à des sociétés privées chargées de suivre individuellement les « clients » chômeurs. Elles sont payées au nombre de chômeurs qu'elles font disparaître des statistiques. Toute une industrie parasitaire s'est ainsi développée autour du chômage.

Même les plus chauds partisans de l'austérité parmi les experts s'étonnent périodiquement de ce que les chiffres du chômage n'augmentent pas plus. Il n'est pourtant pas besoin d'avoir été à Oxford pour comprendre pourquoi !

Partager