Colombie : Quand les grandes entreprises finançaient les escadrons de la mort07/03/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/03/une-2275.gif.445x577_q85_box-0%2C10%2C169%2C230_crop_detail.png

Dans le monde

Colombie : Quand les grandes entreprises finançaient les escadrons de la mort

La société d'extraction pétrolière Perenco est accusée par plusieurs Colombiens d'avoir financé des groupes de paramilitaires appartenant aux Autodéfenses unies de Colombie (AUC).

Fondée en 1975 par le Français Hubert Perrodo, aujourd'hui décédé, à qui son fils François a succédé, elle opère notamment en Afrique noire (Gabon, Cameroun, Congo-Brazzaville) et en Amérique latine (Guatemala, Colombie, Pérou et Venezuela).

Parmi les accusateurs, il y a justement un ancien cadre de ces groupes armés qui ont fait régner la terreur sur la Colombie pendant des dizaines d'années, entretenant des liens avec les autorités gouvernementales, les grandes entreprises et les narco-trafiquants. Tout ce petit monde se rendait des services mutuels, y compris l'élimination d'opposants, de syndicalistes, de guérilleros et même des rivaux politiques des élus colombiens. Il leur arrivait aussi de massacrer les populations indiennes qui les gênaient dans leurs trafics. On leur attribue quelque 50 000 morts.

C'est au cours du procès d'un de ces paramilitaires, Nestor Vargas, que la société Perenco a été mise sur la sellette. Entre 2001 et 2005, elle aurait financé des paramilitaires en les approvisionnant chaque mois de 100 barils d'essence et de 50 à 100 millions de pesos (de 20 000 à 40 000 euros). Perenco est la deuxième compagnie pétrolière ainsi mise en cause. L'autre est la célèbre British Petroleum.

Depuis 2006, la justice colombienne prétend démanteler les réseaux des AUC, en s'appuyant sur les aveux des cadres de ces groupes paramilitaires, tandis que des dizaines de parlementaires qui leur étaient liés purgent des peines allant jusqu'à quarante ans de prison. Parmi leurs co-accusés, on trouve des éleveurs condamnés pour les avoir financés mais aussi des officiers de l'armée, y compris l'ancien chef de l'armée de terre. Selon un paramilitaire en exil aux États-Unis, il existait une sorte de conseil d'administration, composé de six à douze notables, qui chapeautait les escadrons de la mort mais qui n'a jamais été l'objet de poursuites.

Et, chose la plus remarquable, jusqu'à présent toutes les grandes entreprises commanditaires des actes terroristes des paramilitaires, qui ont notamment coûté la vie à des milliers de syndicalistes, n'ont jamais été poursuivies sérieusement. Chiquita Brands, le géant de la banane héritier d'United Fruit, poursuivi pour avoir financé des escadrons de la mort, n'a payé qu'une simple amende. Et aucune action en justice n'est engagée contre Perenco. Apparemment, il est dans la nature de l'État colombien, comme de bien d'autres, de ne jamais s'en prendre à ces grands et honorables commanditaires.

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