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Grèce : À qui le crime profite
Certains osent encore parler de plan « d'aide » à la Grèce, à propos du catalogue de mesures insupportables qui ont déclenché les manifestations violentes et la mobilisation de 100 000 personnes à Athènes et Salonique, et de plusieurs milliers d'autres dans le pays, le dimanche 12 février.
Pourtant, dès le premier plan en 2010, il n'a jamais été question que de sauver les banques. Comme le dit un économiste cité par Alternatives économiques : « Le grand jeu pour les banques consistait à emprunter de l'argent pour presque rien auprès de la banque centrale, pour acheter des obligations d'États européens rapportant entre 3 et 5 %. » Or, plus un État emprunteur est en difficulté, plus il emprunte pour payer des intérêts dont les taux deviennent exorbitants. Et le pays s'enfonce dans la spirale sans fin de la dette. C'est ce qui s'est produit pour la Grèce.
La population n'y a gagné que des coups : du chômage, des salaires amputés, des services publics laminés. Les banques, elles, ont trouvé l'aide des gouvernements européens qui craignaient la contagion de la faillite, mais qui voulaient surtout protéger les intérêts de leurs banquiers, en particulier le gouvernement français, soucieux des intérêts de la Société générale, de la BNP, du Crédit agricole et de leur trentaine de milliards en jeu.
Depuis deux ans, toutes les institutions de défense de la finance, Banque centrale européenne (BCE), Union européenne et FMI, surnommées la Troïka, se sont portées au secours, non des Grecs, mais des créanciers de la Grèce. Depuis 2010, la BCE a racheté d'occasion leurs traites dévaluées, pour environ 55 milliards d'euros. La Troïka a imposé, plan après plan, des mesures d'austérité comme conditions pour accorder un nouveau prêt entièrement consacré au paiement... des intérêts de la dette.
Le vote du plan du 12 janvier était le préalable à un nouveau prêt de 130 milliards, à verser par tranches, à la condition que toutes les mesures votées soient effectivement mises en pratique. La première échéance doit servir à rembourser 14,5 milliards d'euros le 20 mars. Et la Grèce aura le droit de renégocier sa dette. Elle devrait en effet « bénéficier » de l'effacement de 100 milliards sur les 350 qu'elle doit. Les créanciers privés vont être mis à contribution, mais banques et sociétés d'assurances y perdront moins que ce qu'on croit et les fonds spéculatifs qui ont racheté ces créances à bas prix y gagneront même, en les échangeant contre des obligations plus rentables.
L'acharnement à faire payer les Grecs a été tel que, lors de leur conférence de presse du 6 février, Sarkozy, approuvé par Merkel, a osé proposer que les fonds pour le remboursement de la dette soient sur un compte bloqué : « Ce compte bloqué, a-t-il dit, garantirait que les dettes de nos amis grecs seront réglées. » C'est effectivement la seule chose qui leur importe. En réalité, tous ces politiciens et ces banquiers savent que leurs plans ne redresseront pas la situation.
Une économiste de la banque Goldman Sachs a déclaré au Monde : « On pousse la Grèce à faire des choses infaisables. » Elle sait de quoi elle parle : même si c'est infaisable, les banquiers le font pour récupérer leur mise, sur la peau de tous les autres.