Kazakhstan : Le régime massacre ses ouvriers22/12/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/12/une2264.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Kazakhstan : Le régime massacre ses ouvriers

Le 16 décembre 1991, les autorités du Kazakhstan, alors soviétique, se déclaraient indépendantes de l'URSS. Vingt ans plus tard, jour pour jour, les dirigeants kazakhs ont célébré cet anniversaire dans le sang : celui des grévistes du pétrole sur lesquels ils ont fait tirer à Janaozen, dans l'ouest du pays.

Depuis des mois, sept mois pour certains, les travailleurs de l'industrie pétrolière du Kazakhstan font grève, manifestent, se battent contre les compagnies locales (détenues par des proches du pouvoir) et étrangères. Ils réclament des salaires décents, l'amélioration de leurs conditions de travail, le droit d'avoir des syndicats autres qu'à la solde des autorités. Parfois, comme à Janaozen, ils doivent se battre même simplement pour obtenir le versement de primes de risque qui leur sont dues.

Durant tous ces mois, les grévistes, souvent aussitôt licenciés, ont eu à affronter les forces de police, l'armée, les hommes de main du patronat qui ont déjà tué des ouvriers, incendié les maisons de grévistes. Quant aux juges, ils font pleuvoir les peines de prison, en particulier contre les animateurs des comités de grève et des syndicats indépendants. Certains de ces militants, déjà plusieurs fois emprisonnés, savent leur vie menacée et doivent se cacher, parfois en Russie. Cela, même si la police politique du régime kazakh ne se prive pas de faire la chasse aux opposants réfugiés à l'étranger.

Le 16 décembre, les militaires et policiers envoyés à Janaozen ont tiré dans une foule de 1 500 grévistes, tuant 70 ouvriers de la compagnie pétrolière KBM et en blessant une centaine d'autres. Dès le lendemain, le pouvoir, qui avoue 15 morts et 86 blessés, a décrété l'état d'urgence pour vingt jours dans la ville : soumise à un blocus, tous les liens téléphoniques, routiers, ferroviaires et aériens avec l'extérieur ont été rompus.

Dans ces conditions, même si l'on sait que de sanglants affrontements ont suivi dans des localités voisines, on connaît mal le déroulement des événements qui ont abouti à un bain de sang à Janaozen.

Il semble qu'à l'origine les piquets de grève aient fait l'objet d'une provocation, peut-être concoctée par les autorités centrales, la foule se lançant alors à l'assaut de bâtiments publics protégés par des troupes de choc. Il se pourrait aussi que les manigances du magnat kazakh Ablyazov ne soient pas étrangères à ce massacre. Cet individu, qui a des intérêts dans le pétrole et qui vit en Occident depuis qu'il est tombé en disgrâce auprès du dictateur Nazarbaïev, cherche par tous les moyens à déstabiliser ce dernier. Avec son parti Alga, il se présente comme le chef d'une « opposition » responsable, dans l'espoir que les dirigeants occidentaux voient en lui une solution de rechange acceptable au cas où Nazarbaïev n'arriverait plus à tenir le pays en main. Alors, à un mois d'un scrutin législatif dans ce pays, tous les coups sont bons entre Nazarbaïev et son rival, y compris si cela fait des victimes parmi les travailleurs.

En attendant, comme son ami Poutine face aux manifestants russes, le président kazakh voit la « main de l'Occident » et des « fonds étrangers » derrière tout ce qui peut le menacer.

L'Occident quant à lui observe un silence complice, car le régime est un partenaire d'affaires de grandes sociétés internationales, chinoises, mais aussi américaines, françaises, allemandes, britanniques, surtout dans les hydrocarbures, mais aussi dans les mines, la construction, l'armement. De plus, par sa position géographique, sa taille et son relatif développement économique, ce pays fait figure de puissance régionale, que les États impérialistes ont intérêt à ménager dans une Asie centrale en proie à de multiples tensions.

Alors, l'Union européenne et les États-Unis évitent ce qui pourrait froisser cette dictature et donc gâter leurs fructueuses relations avec elle. Cela suffirait à expliquer pourquoi, sauf exceptions, les grands médias d'Europe et d'Amérique n'ont jamais trouvé le temps en sept mois de parler de ces grèves. C'est seulement devant l'ampleur d'une répression difficile à passer complètement sous silence que la presse laisse maintenant filtrer quelques informations sur ce régime corrompu, dictatorial, assassin d'ouvriers et... choyé par les dirigeants des pays dits démocratiques.

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