Il y a 20 ans : Décembre 1991, l'URSS mise à mort par sa propre bureaucratie22/12/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/12/une2264.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a 20 ans : Décembre 1991, l'URSS mise à mort par sa propre bureaucratie

Le 8 décembre 1991, il y a vingt ans, les dirigeants de la Russie, de l'Ukraine et de la Biélorussie décidaient de dissoudre l'URSS, l'Union des républiques socialistes soviétiques. La bureaucratie, qui depuis Staline s'était imposée comme couche dirigeante de l'URSS, avait ainsi trouvé le moyen de se débarrasser du président de celle-ci, Gorbatchev. Car, si Gorbatchev gouvernait au nom de cette couche sociale privilégiée et parasitaire, il incarnait aussi un certain contrôle sur elle. Le 25 décembre, Gorbatchev démissionna : l'URSS n'existait plus.

Le processus de désintégration de l'État atteignait ainsi un point de non-retour, dans un pays qui depuis des décennies apparaissait comme la seconde grande puissance mondiale, derrière les États-Unis.

Comment en était-on arrivé là ?

Si dans les années soixante-dix, sous Brejnev, l'URSS avait semblé si assoupie qu'on put parler à son propos de stagnation, celle dont hérita Gorbatchev en 1985, en parvenant au sommet de la bureaucratie soviétique, se trouva emportée dans un tourbillon de luttes politiques.

Le pouvoir suprême dont Gorbatchev était censé disposer se trouva contesté par d'autres membres de la direction de la bureaucratie. Pour s'imposer, faisant assaut de démagogie, chacun des camps en présence chercha appui dans des couches de plus en plus larges de la bureaucratie, puis de la petite bourgeoisie, et plus généralement de l'opinion publique. Aux intellectuels, des dignitaires d'un régime qui avait brimé leurs aspirations, même à pouvoir lire ce qu'ils voulaient, promirent la liberté. Et comme de nombreux petits bourgeois rêvaient de s'enrichir « comme à l'Ouest », ces bureaucrates ou d'autres promirent la liberté d'entreprendre et la « démocratie ».

Tous ces gens-là accolèrent de plus en plus ce mot de démocratie à ceux de marché et de libre entreprise. Mais pendant que les chefs « démocrates », avec à leur tête un ex-membre du Bureau politique du parti unique, Eltsine, discouraient sur la liberté d'entreprendre, des millions de bureaucrates faisaient main basse sur la propriété publique. L'économie et le pouvoir central furent paralysés, bien avant les lois de privatisation qui allaient légaliser ce gigantesque hold-up sur la propriété d'État soviétique. Dépecée par les chefs de la bureaucratie, l'URSS plongeait dans le chaos politique et social.

Vingt ans après

Attendue depuis trois quarts de siècle par la bourgeoisie, la fin de l'URSS fut acclamée par tous ceux qui, malgré le rôle conservateur et contre-révolutionnaire du régime depuis Staline, n'avaient ni oublié ni pardonné son origine révolutionnaire. Certains affirmèrent qu'on assistait à « la fin de l'Histoire » : Octobre 1917 ayant voulu ouvrir la voie d'un avenir débarrassé du capitalisme, ils affirmèrent que la mort de l'URSS signifiait que celui-ci était donc le futur indépassable de l'humanité. Et selon tous les tenants du système capitaliste, le retour de celui-ci promettait prospérité, progrès et démocratie aux peuples de l'ex-URSS.

En fait, l'ouverture de l'ex-URSS au marché signifia l'effondrement de son économie. Le pillage sans limites de ses ressources permit aux bureaucrates-affairistes de s'enrichir à la vitesse de l'éclair. La population paya cela d'un brutal appauvrissement. Les prix flambaient, dévorant le pouvoir d'achat des salaires et des pensions. Les classes laborieuses découvrirent le chômage de masse. La plupart des services sociaux gratuits que l'URSS garantissait disparurent. Cas unique en temps de paix, l'espérance de vie des hommes fit un bond en arrière du fait de la pauvreté, du désespoir noyé dans l'alcool et les drogues, de la mise à mal du système de santé gratuite.

Autrefois grande puissance, la Russie fut ravalée au rang de « puissance émergente », appellation hypocrite qu'on accole maintenant à des pays sous-développés un peu moins mal lotis que les autres. L'économie est devenue dépendante de quelques matières premières dont les revenus enrichissent, outre les compagnies occidentales, les bureaucrates ayant mis la main sur ces ressources. Il est vrai que, s'ils les contrôlent, ils ne contrôlent pas leurs cours, dans un marché capitaliste mondial en crise.

Quant à la démocratie promise à la Russie, on y trouve le règne du parti officiel, la censure d'État sur les principaux médias, l'assassinat de journalistes qui dérangent, et des élections auxquelles, en plus d'une fraude massive, ne participent que les partis agréés par le Kremlin.

La police politique a placé ses hommes, tel Poutine, à tous les niveaux décisifs de l'administration et du monde des affaires. Et si elle ne chasse plus ceux qui lisent des livres interdits, sa répression ne faiblit pas contre les groupes qui déplaisent au pouvoir, ou contre les travailleurs qui, refusant des syndicats officiels inféodés aux employeurs, en organisent d'autres, plus indépendants.

Mais il y a aussi ces régions du Caucase et de l'Asie centrale, anciennement soviétiques, soumises à d'impitoyables dictatures. Ici couvertes du voile de l'intégrisme religieux, là attisant la xénophobie et poussant aux pogroms, ces dictatures sont dominées par des despotes issus de l'ex-nomenklatura, parfois par des fantoches soutenus par la Russie. Les mafias dirigeantes organisent le pillage clanique des richesses, s'enrichissent dans la corruption, les trafics de drogue, d'armes et d'êtres humains. Et n'oublions pas les millions de femmes qu'elles renvoient à une oppression moyenâgeuse... sans que cela trouble tant soit peu les pays riches dont les capitalistes, tels les français Bouygues, Total, etc., sont en affaires avec ces régimes infâmes.

Le bilan de ces vingt années depuis la fin de l'URSS est terrible pour les populations. Et il est accablant pour tous ceux qui, ici et là-bas, ont voulu faire croire qu'un mieux résulterait pour les peuples d'une politique voulant rétablir le capitalisme.

L'URSS de Staline et de ses successeurs était définitivement passée, et depuis longtemps, du côté de la contre-révolution. Elle ne pouvait plus servir d'exemple ou d'appui aux travailleurs du monde entier dans le combat contre le capitalisme. Mais son existence même témoignait de la possibilité d'une organisation de l'économie autre que dominée par la course au profit privé et l'anarchie du marché. Malgré la bureaucratie, l'URSS avait montré, à l'échelle du pays le plus vaste de la planète, quels progrès, quel développement économique fantastiques pouvaient permettre la propriété collective des moyens de production et la planification de l'économie, rendues possibles par une révolution socialiste victorieuse.

La révolution d'Octobre 1917 avait ébranlé le monde. Mais le monde capitaliste ne s'est pas effondré et l'URSS a fini par disparaître. Pour autant, les raisons de combattre le système capitaliste, ses méfaits et son mode de fonctionnement aberrant n'ont en rien disparu. Il est plus actuel que jamais de lutter pour le communisme, c'est-à-dire la réorganisation de la société par la socialisation et la planification des moyens de production à l'échelle mondiale, alors que le capitalisme entraîne le monde dans la catastrophe.

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