Nationaliser les banques, ou les exproprier ?27/10/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/10/une2256.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Nationaliser les banques, ou les exproprier ?

« Faut-il nationaliser les banques en difficulté ? ». La question est maintenant abordée par les politiciens de gauche comme de droite, avec des nuances : « recapitalisation » plutôt que « nationalisation » pour Fillon, nationalisation « partielle » pour d'autres. « Nationalisation le grand retour » titrait il y a quelque temps le journal Les Échos. Dans cette période de crise, les nationalisations sont présentées à gauche comme le moyen de contrôler les capitalistes, industriels ou banquiers et de les empêcher d'agir en fonction de leurs seuls intérêts.

En réalité, l'histoire des nationalisations en France montre qu'elles ont surtout été un moyen de venir en aide aux capitalistes et d'assurer le maintien de leurs profits.

Ainsi, en 1945, au sortir de la guerre mondiale, de nombreuses nationalisations furent réalisées. Il fallait reconstruire, puis moderniser les infrastructures et l'appareil industriel du pays, et de toute évidence la bourgeoisie n'allait pas le faire sur ses propres fonds. La liste des nationalisations de cette époque fut donc impressionnante. Il y eut, dès décembre 1944, les houillères du Nord et du Pas-de-Calais puis, en 1945, Renault et Gnome et Rhône qui, avec d'autres sociétés, donna naissance à la Snecma ; puis les transports aériens, suivis de la Banque de France et des grandes banques de dépôt. En 1946, ce fut le tour de l'électricité et du gaz, des compagnies d'assurances et cette fois de la totalité des charbonnages.

Pour toutes ces nationalisations, des indemnités furent versées aux anciens propriétaires, à l'exception de Louis Renault, accusé de collaboration avec l'ennemi. Mais les autres actionnaires des usines Renault, eux, furent indemnisés.

En 1981, les nationalisations du gouvernement Mitterrand devaient être, aux dires des dirigeants socialistes, du jamais vu. On poussa à 100 % la nationalisation des grandes banques comme la BNP, le Crédit lyonnais, la Société générale pourtant déjà nationalisées à 80 % ou 85 % : cela eut au moins pour effet immédiat d'injecter dans leur circuit quelque 660 millions de francs d'argent frais. Autre innovation aussi, on ne se contenta pas cette fois de nationaliser les secteurs des transports, de l'énergie, tous ces secteurs traditionnellement aux mains de l'État parce qu'indispensables mais pas toujours rentables. Mitterrand nationalisa aussi cinq grands groupes industriels : Thomson-Brandt, Saint-Gobain-Pont-à-Mousson, Rhône-Poulenc, Pechiney-Ugine-Kuhlmann et la CGE. Reste à savoir en fonction de quels objectifs ils allaient être gérés.

En 1981, en pleine crise, les capitalistes de l'industrie privée boudaient déjà les investissements productifs. C'est en quelque sorte l'État qui chercha à les prendre en charge. Cela consista à acheter aux capitalistes privés leurs participations multiples et variées. L'État paya les entreprises ainsi nationalisées rubis sur l'ongle, à un prix au moins égal à ce que leurs propriétaires pouvaient en espérer. Les actionnaires privés, les grandes familles bourgeoises, touchèrent donc 40 milliards d'argent frais au titre du rachat, qu'ils purent faire fructifier là où cela rapportait gros, c'est-à-dire en général dans les opérations spéculatives.

L'État, heureux propriétaire désormais de ces entreprises, se mit à les rénover, investissant là où c'était nécessaire et où ses prédécesseurs privés n'investissaient plus depuis longtemps, restructurant, modernisant... et mettant à la porte les travailleurs qu'il estimait en surnombre. Entre 1982 et 1987, il n'y eut ainsi en France pratiquement que l'État pour investir vraiment. Entre 1982 et 1985, les nouvelles nationalisées reçurent près de 50 milliards de francs de dotation de capital, et l'ensemble du secteur public quelque 175 milliards de francs. Toutes ces sommes, prises sur le budget de l'État, servirent à relancer ces entreprises et à augmenter leur rentabilité, avant de remettre de nouveau au secteur privé des usines profitables.

Aujourd'hui nationaliser, totalement ou partiellement, des entreprises en difficulté comme les banques, en rachetant leurs actions avec l'argent de l'État, cela serait remettre de l'argent aux actionnaires pour leur permettre de continuer à spéculer, au détriment du fonctionnement de l'économie... et de la vie de la population.

À la nationalisation, il faut opposer l'expropriation des banques sans indemnité ni rachat, le regroupement des banques en une seule entité placée sous le contrôle de la population afin qu'elle mettre vraiment ses moyens au service de tous.

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