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Argentine - L'élection présidentielle du 23 octobre : De Kirchner à Kirchner
Dimanche 24 octobre, Cristina Kirchner, présidente sortante, a gagné dès le premier tour les élections présidentielles argentines avec 54 % des voix. Son principal rival, le socialiste Hermes Binner, obtient 17 % et le radical Ricardo Alfonsin 12,5 %.
Cristina Kirchner appartient à l'aile de centre-gauche du Parti justicialiste, le parti péroniste. En 2003, son mari, ex-gouverneur de la province de Santa Cruz, avait remporté la présidence, à peine deux ans après le krach de l'économie argentine. Son épouse lui avait succédé quatre ans plus tard et c'est lui qui pensait reprendre les rênes du pouvoir s'il n'était pas subitement décédé en 2010.
UNE SITUATION ECONOMIQUE PLUTOT FAVORABLE
En 2006, Nestor Kirchner avait remboursé d'un seul coup les 9,5 milliards de dollars que l'Argentine devait au FMI, avec l'aide du Venezuela de Chavez. En revanche, les Kirchner n'ont pas tenu compte des avis du FMI qui les invitaient à imposer une cure d'austérité au pays. Ils ont aussi renégocié 93 % de la dette argentine auprès des investisseurs privés en 2005 et 2010. En représailles, l'Argentine n'a pas accès à certains prêts à taux avantageux.
L'avenir politique du tandem Kirchner avait semblé compromis quand, en 2008, la présidente s'était heurtée à la bourgeoisie rurale qui avait mobilisé le monde paysan parce qu'elle entendait taxer les exportations agricoles. Elle avait dû renoncer à cette fiscalité. Malgré tout, l'Argentine a poursuivi son redressement économique. L'économie progresse à un rythme de 8 à 9 %. La Chine, notamment, est un bon client pour ses exportations agricoles.
Le rythme de croissance de l'économie a aussi amené l'embauche dans les entreprises d'une génération de jeunes travailleurs. L'appareil productif, qui s'était effondré en 2001, tourne à nouveau à 80 % de ses capacités. Cela a contribué à réduire le chômage mais aussi à réveiller la combativité ouvrière et la lutte pour les salaires, d'autant plus nécessaire que l'inflation est forte : le gouvernement la chiffre à 11 % mais elle est sans doute plus proche de 20-25 %.
LA RECHERCHE D'UN SOUTIEN A GAUCHE
Dans un parti dont l'appareil ne leur était pas favorable, les Kirchner ont su se trouver d'autres alliés, notamment parmi ceux qui n'avaient pas oublié les crimes de la dictature. Ainsi, le mouvement des Mères de la Place de Mai les a soutenus. Les Kirchner ont initié une série de procès qui ont lourdement sanctionné, certes avec vingt-cinq ans de retard, des dizaines de hauts cadres de l'armée, dirigeants de la dictature de 1976-1983. Dans un autre domaine, le mariage des homosexuels est légal depuis l'an dernier, mais cette audace, dans un pays où le poids de l'Église est grand, n'a pas été jusqu'à autoriser l'avortement.
Les Kirchner ont institutionnalisé le mouvement des entreprises gérées par les travailleurs après le krach de 2001, qui ont été transformées en un réseau de coopératives. Ils ont alloué des aides modestes aux plus déshérités. Une retraite désormais financée par l'État garantit une pension un peu meilleure. Une allocation permet aux familles pauvres d'envoyer leurs enfants à l'école publique. Le mois dernier, salaire minimum et retraites ont été augmentés de 25 %, tout cela faisant un peu reculer la pauvreté.
En Argentine, les milieux populaires n'ont jamais oublié que les premières années du péronisme, au lendemain de la guerre, avaient permis une amélioration de la condition ouvrière, attribuée au couple formé par Juan Peron et sa compagne Éva Peron, décédée à 33 ans. Dans un contexte économique plutôt favorable, Cristina Kirchner a pu se présenter en continuatrice du péronisme, et en encaisser le bénéfice.
La conjoncture économique en Amérique latine permet à des Lula, à des Chavez, à des Kirchner, de se présenter, pour l'instant avec quelque succès, comme des défenseurs des pauvres. Les travailleurs et la population auraient cependant tort de se fier pour l'avenir à de tels sauveurs.