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- Lutte ouvrière n°2254
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Editorial
La contre-offensive du monde du travail reste à mener et à gagner
Quelque 200 000 personnes ont participé aux différentes manifestations qui ont eu lieu mardi 11 octobre, et certainement plus aux débrayages. Elles ont eu raison de se saisir de l'appel de certaines confédérations syndicales pour montrer que, face à la politique d'austérité, elles n'ont pas l'intention de baisser les bras.
Il fallait en être, malgré l'attitude des confédérations syndicales qui ont appelé à cette journée comme un âne qui recule, dans la dispersion et sans véritable préparation.
Il fallait en être, sans illusion sur la possibilité pour une seule journée d'action de faire reculer le grand patronat et le gouvernement. Pour les faire reculer, il faudra bien autre chose, une action déterminée, explosive, puissante, du monde du travail.
Aucun salarié, aucun chômeur, aucun retraité ne peut espérer échapper autrement que par la lutte à la volonté de la classe capitaliste de faire payer la crise de son économie aux exploités.
Une entreprise comme Montupet, qui soumet ses travailleurs au chantage d'accepter une réduction de près de 25 % de leur salaire ou de se retrouver à la rue par la fermeture de l'usine, fait encore figure d'exception. Mais d'autres la suivront, sous cette forme ou sous une autre. Une grande entreprise comme Peugeot-Citroën, qui planifie la fermeture de trois sites de production, avec plusieurs milliers de travailleurs dehors, malgré des profits confortables, des dividendes plantureux pour ses actionnaires -- dont la famille Peugeot --, est représentative de tous ces grands trusts, à commencer par Unilever avec sa filiale Fralib, qui licencient, délocalisent ou réduisent leurs effectifs, toujours guidés par la même préoccupation d'accroître les revenus du capital, quitte à pousser vers le chômage et la misère une partie de leurs effectifs et faire crever au travail ceux qui restent.
Les attaques de la classe capitaliste seront d'autant plus féroces que la crise s'aggravera. Ni les dirigeants des États ni les têtes pensantes de l'économie ne maîtrisent la crise financière : tous abdiquent devant les banquiers. Cela se répercute déjà sur les entreprises de production.
Et il faut être conscient que, face au patronat, non seulement nous ne pouvons pas compter sur l'État mais, au contraire, l'État ne cesse de son côté de porter des coups au monde du travail. Ce n'est pas seulement lié à Sarkozy et à son gouvernement. Même si Sarkozy était écarté lors de l'élection présidentielle, son successeur, quel que soit celui qui sortira vainqueur de la primaire socialiste, brandira le montant de la dette accumulée par l'État pour nous dire qu'il faut faire des économies sur les services publics, sur les retraites, sur la Sécurité sociale, sur les hôpitaux ou l'Éducation nationale, pour rembourser cette dette qui a été pourtant faite au seul profit des banques et des groupes capitalistes.
Et, pendant qu'on annonce de nouveaux sacrifices, l'État continue à augmenter son endettement pour venir au secours des banquiers, menacés par la faillite d'États à qui ils ont prêté à des taux usuraires. Rien que les sommes versées pour la banque Dexia, pour la sauver en 2008 et, maintenant qu'elle est en faillite, pour dédommager ses actionnaires, auront représenté plusieurs dizaines de milliards, qui aggravent l'endettement de l'État français comme de l'État belge.
Alors, tant qu'on les laisse faire, ces grands patrons, ces banquiers, spéculateurs et irresponsables, et leurs porte-bidon du gouvernement, continueront, et cela ira de pire en pire.
La nécessité de réagir s'imposera tôt ou tard à l'ensemble du monde du travail. Mais il est important que ceux qui en sont déjà conscients le manifestent. Il est important de discuter de nos revendications vitales, de les faire connaître et partager.
Les travailleurs ne sont en rien responsables de la crise d'une économie capitaliste folle, qui s'étouffe dans sa propre graisse parce que l'argent dégagé de l'exploitation est consacré à la spéculation qui ruine l'économie.
Un emploi et un salaire sont les seules choses qui permettent aux travailleurs de vivre. Nous ne pouvons pas laisser le capital les démolir.
Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas accepter le chômage. Il faut interdire tout licenciement collectif et imposer la répartition du travail entre tous, sans diminution de salaire. Pour contrecarrer les effets des hausses de prix sur le pouvoir d'achat des salariés, il faut imposer une augmentation conséquente des salaires, afin de rattraper le retard, et l'indexation des salaires sur les prix, l'échelle mobile des salaires.
Ce n'est certainement pas une journée d'action qui permettra d'imposer ces objectifs. Mais, avant même que la colère du monde du travail explose avec assez de puissance pour faire reculer le patronat et le gouvernement, il faut discuter de nos objectifs, propager ceux qui unissent l'ensemble du monde du travail, en refusant que nos exigences soient détournées ou canalisées vers des revendications insuffisantes ou impuissantes à protéger nos emplois et notre pouvoir d'achat.
Le patronat et le gouvernement nous mènent une véritable guerre. Nous aurons à mener la nôtre. C'est l'intérêt des travailleurs, mais c'est aussi l'intérêt de bien d'autres catégories sociales qui subissent la loi d'une classe dominante avide et irresponsable qui, pour préserver des intérêts privés, conduit toute la société vers la ruine.