Italie : Fiat sort de la confédération patronale - Patron de l'automobile et maître-chanteur07/10/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/10/une2253.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : Fiat sort de la confédération patronale - Patron de l'automobile et maître-chanteur

Que veut Sergio Marchionne, le PDG des automobiles Fiat ? Quels sont ses vrais projets pour l'entreprise et ses travailleurs, et le sait-il lui-même ? Une seule chose est certaine : il veut avoir le droit d'en décider seul, lui et son conseil d'administration, sans être tenu par des obligations d'aucune sorte, qu'elles découlent de la loi ou d'accords syndicaux.

C'est ce qu'on peut retenir de l'annonce, faite par Marchionne le 3 octobre, que la Fiat quittera en janvier la Confindustria, la confédération patronale italienne équivalent du Medef en France. Autrement dit, la Fiat ne se sentira même pas liée par les accords signés entre le patronat et les syndicats italiens, et fera en fait ses propres lois.

C'est plutôt une confirmation, puisque cette sortie de la Confindustria avait déjà été annoncée il y a plus d'un an. Et surtout, entre-temps, Marchionne a déjà imposé dans ses usines italiennes des accords à ses conditions, en dérogation aux conventions collectives nationales et même à la loi. Il a commencé à l'usine de Pomigliano, près de Naples, déclarant qu'il ne pourrait faire fonctionner l'usine que si les travailleurs acceptaient une flexibilité totale, renonçaient à la grève des heures supplémentaires sous peine de licenciement, et si les syndicats non signataires de ces accords étaient exclus de la représentation.

Après avoir fait accepter cet accord par référendum, grâce au chantage « c'est cela ou la fermeture », il a mené la même opération à l'usine de Turin-Mirafiori, puis à l'usine Bertone, à Turin également. Dans les trois cas, les travailleurs devraient accepter de ne plus être des salariés de Fiat, mais ceux d'une « new company » créée pour l'occasion afin de débarrasser Fiat de ses obligations précédentes.

Les travailleurs ont subi le chantage de Fiat, mais aussi des dirigeants politiques de gauche comme de droite, qui les incitaient à accepter ce chantage pour sauver leur emploi. Mais aujourd'hui, cet emploi est moins sûr que jamais. Les travailleurs des trois usines en question sont tous en « cassa integrazione », sorte de chômage conservatoire, payés environ 700 euros et travaillant tout au plus trois jours par mois, dans l'incertitude totale de l'avenir.

Ainsi le lancement de la production à Mirafiori d'un 4X4, destiné au marché américain, a été annoncé, puis retiré, puis promis de nouveau, mais pour 2013. L'usine de Pomigliano ne tourne toujours pas et une autre usine Fiat, celle Termini Imerese en Sicile, sera fermée fin 2011. Et chacun se demande maintenant si l'intention de Marchionne n'est pas tout simplement de fermer d'autres usines italiennes, dont celle de Turin, pour déplacer son centre aux États-Unis, où Fiat est en train de racheter Chrysler, ou bien si tout cela ne cache pas tout simplement un jeu boursier pour faire monter les actions Fiat et mener l'opération Chrysler au meilleur coût.

Lorsque quelques politiciens lui demandent respectueusement et timidement de dire ce qu'il veut vraiment faire, Marchionne crie au scandale et déclare que la Fiat n'a pas à leur rendre de comptes, en tant que libre entreprise. Et il montre encore plus de mépris vis-à-vis de ses ouvriers et même des syndicats, menés en bateau d'un chantage à l'autre.

Sa sortie de la Confindustria est d'ailleurs un chantage de plus. En juin, la Confindustria et les syndicats ont signé un accord prévoyant, au nom de la relance de la compétitivité italienne, que des accords puissent être signés au niveau des entreprises, en dérogation aux conventions collectives nationales et même à la loi, par exemple en matière de licenciements. Cet accord a été intégré aux plans d'austérité adoptés cet été. Il a donc acquis force de loi, et de même les dérogations à la loi imposées par Marchionne dans ses usines ont été entérinées. Mais il faut croire que cela ne lui suffit encore pas, car licencier nécessiterait encore de discuter avec les syndicats. Et il faut croire que, dans les projets de Marchionne, il y a maintenant des licenciements, peut-être massifs, pour lesquels il veut avoir les mains libres.

Voilà donc les basses manoeuvres de cet homme qui, à sa nomination, avait été salué y compris à gauche comme un capitaine d'industrie moderne qui allait sauver la Fiat. Il sauvera, c'est certain, les capitaux de la famille Agnelli et des gros actionnaires, après avoir mis dans son jeu tout le monde politique italien et laissé des milliers de travailleurs sur le pavé.

De Turin à la Sicile, ceux-ci se défendent comme ils peuvent. Aux portes de Fiat-Mirafiori, qui n'ouvre plus que quelques jours par mois, les travailleurs de deux petits « syndicats de base » se sont installés avec une tente pour affirmer que, quelles que soient les manoeuvres et les intentions de Marchionne, les travailleurs doivent vivre, avoir un salaire entier, non diminué par la « cassa integrazione », et un emploi garanti pour le futur. C'est bien la lutte qu'il faudra mener contre ce colosse de l'industrie, désormais italo-américain, qui voudrait diriger et fermer les usines selon son simple bon vouloir.

Partager