1991 l'éclatement de la Yougoslavie : La gangrène nationaliste et la responsabilité de l'impérialisme07/10/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/10/une2253.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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1991 l'éclatement de la Yougoslavie : La gangrène nationaliste et la responsabilité de l'impérialisme

Il y a vingt ans, ce qui était la Yougoslavie de Tito, où cohabitaient Serbes, Croates ou encore Bosniaques, etc., commençait à se disloquer. L'embrasement de toute la région, avec son lot de massacres, d'exodes, de souffrances, provoqua un terrible retour en arrière pour ces peuples.

Le processus de décomposition de l'ancien État fédéral yougoslave, qui débuta en juin 1991 avec la déclaration d'indépendance de la Slovénie et de la Croatie, allait continuer durant des années, avec une réaction en chaîne des nationalismes de toute sorte. Et, durant des années, la guerre allait embraser toute cette région des Balkans, faisant des centaines de milliers de morts, essentiellement civils, creusant un fossé de sang entre des peuples qui, hier encore, vivaient côte à côte. Des villages furent rasés, des milliers de femmes et d'hommes furent obligés de quitter leur foyer, leur terre ou leur gagne-pain, contraints de se transformer en réfugiés parfois à quelques kilomètres de chez eux.

Mais, contrairement à ce qu'avaient martelé à l'époque journalistes, écrivains et politiciens, l'histoire des affrontements entre travailleurs de différentes nationalités dressés les uns contre les autres et embrigadés derrière leurs couches privilégiées respectives n'était pas écrite par avance. Quelques années auparavant, les travailleurs, qui se disaient alors avant tout yougoslaves, avaient même mené des luttes communes contre les répercussions de la crise économique qui ébranlait leur pays, comme en témoignèrent les grèves de mineurs serbes et monténégrins en février 1989.

La Yougoslavie déchirée par les nationalismes

Le processus d'éclatement de la Yougoslavie ne se fit pas sous la pression des peuples, mais sous celle des cercles dirigeants des différentes républiques composant la Fédération yougoslave. Et cela avec la complicité des grandes puissances qui les soutinrent en espérant acquérir de nouvelles zones d'influence et gagner quelques marchés.

Durant la Seconde Guerre mondiale, une certaine unité du pays s'était construite dans le combat contre l'occupant nazi. Après la guerre, le dirigeant du Parti communiste yougoslave, Tito, une fois au pouvoir tenta pour maintenir la cohésion du pays, de réaliser un équilibre entre les nationalités, notamment par la création d'une fédération. Le nationalisme yougoslave se renforça encore par la suite dans la résistance de Tito à l'URSS de Staline. Mais, du fait que sous Tito la domination serbe se perpétua malgré tout, le ciment du nationalisme yougoslave alla en se fissurant.

La mort de Tito en 1980, créant un vide au sommet de l'État, aiguisa les ambitions des bureaucrates, tous membres du Parti communiste, qui s'étaient construit des fiefs dans chacune de leurs républiques respectives, et ce alors que les répercussions de la crise mondiale, touchant de plein fouet la Yougoslavie, provoquaient une montée des tensions sociales. Ces hommes politiques furent dès lors nombreux à vouloir détourner les mécontentements sur les voies du nationalisme, chaque clan s'appuyant sur son appareil d'État local.

Ainsi le dirigeant serbe Milosevic comme le dirigeant croate Tudjman, tous anciens dignitaires de la bureaucratie au pouvoir du temps de Tito, s'empressèrent de rejeter la nationalisme yougoslave, dont ils avaient été les défenseurs, pour canaliser vers le chauvinisme ethnique de nombreuses aspirations contradictoires : celles des couches privilégiées locales cherchant à s'enrichir, comme celles des classes exploitées inquiètes devant la crise.

La sécession de la Slovénie en juin 1991, puis celle de la Croatie amputaient le pays des deux républiques les plus riches. L'armée du pouvoir central de Belgrade réagit dès la déclaration d'indépendance de la Croatie en déclenchant la guerre. Puis la guerre s'étendit dans la république de Bosnie-Herzégovine. Dans cette république, et en particulier dans la capitale Sarajevo, vivaient de façon enchevêtrée des populations de différentes nationalités. La guerre aboutit au découpage de cette région en dix provinces après des mois de bombardements, de la capitale en particulier. Un an plus tard, la Yougoslavie avait cessé d'exister.

L'intervention très intéressée des puissances impérialistes

L'intervention des grandes puissances impérialistes accéléra le démembrement du pays. Au départ, celles-ci parlèrent de calmer le jeu. Mais leurs oppositions économiques et politiques commencèrent très vite à se manifester. De ce fait, et naturellement en quelque sorte, elles se retrouvèrent à appuyer les dirigeants des régions qu'elles soutenaient déjà avant 1945. L'Allemagne soutint par exemple le nationalisme slovène et surtout croate. De son côté, la France se positionnait aux côtés de Milosevic, comme elle l'avait fait quelques décennies auparavant en soutenant la monarchie serbe.

C'était là un feu vert donné à l'expression des micro-nationalismes et aux politiques qui ouvraient pourtant la voie à la « purification ethnique », c'est-à-dire au regroupement forcé sur le même territoire de populations de même origine, avec d'innombrables viols et tueries.

En juillet 1995, des massacres furent commis à Srebrenica, en Bosnie, où au moins 7 000 personnes furent alors assassinées par les forces armées serbes. La ville fut totalement vidée du reste de sa population musulmane. Srebrenica faisait partie des villes placées en principe sous la protection de l'ONU depuis 1993. En 1995, la force de l'ONU était commandée par le général français Janvier. Les menaces serbes sur cette ville étaient flagrantes et connues, mais le général Janvier et l'ONU abandonnèrent délibérément l'enclave aux forces armées serbes. La déportation et les massacres eurent lieu au vu et au su des casques bleus présents sur place. Voilà une illustration de ce que fut le rôle des pays impérialistes, et entre autres celui de la France.

Les accords signés en novembre 1995 à Dayton, aux États-Unis, entérinèrent le découpage de la Bosnie. L'intervention des grandes puissances impérialistes visa alors à surveiller ce prétendu règlement de la situation.

Après avoir été l'interlocuteur privilégié de l'impérialisme, Milosevic tomba en disgrâce, non pas pour les crimes qu'il avait commis, mais parce qu'il n'obéissait pas entièrement aux grandes puissances impérialistes, en particulier du fait de sa volonté de mettre la main sur le Kosovo. Il fut arrêté, jugé par le Tribunal pénal international pour crimes contre l'humanité. Il mourut en prison avant la conclusion de son procès, en 2006. Quelques autres ont été arrêtés depuis, dont Ratko Mladic, fin mai dernier, qui va être jugé par le Tribunal pénal international pour le massacre opéré sous ses ordres durant le siège de Sarajevo.

Mais, quelle que soit l'issue du procès, de toute façon justice ne sera pas rendue puisque les puissances impérialistes, qui se sont appuyées sur ce genre de criminels, en Serbie comme en Croatie ou en Bosnie, pour dresser les peuples les uns contre les autres, ne seront pas au banc des accusés.

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