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Dans le monde
Espagne : Un mouvement qui ne faiblit pas
À Madrid, Barcelone, Séville et dans une soixantaine de villes espagnoles, ce sont des milliers de jeunes, de travailleurs qui, dimanche 19 juin, ont sillonné les rues, occupé les places pour brandir des pancartes dénonçant le chômage, les banques ou la corruption, et pour crier leur volonté de refuser de payer la crise.
Plus nombreux encore que lors des rassemblements précédents, les « indignés » ont fait la preuve que leur mouvement ne faiblissait pas après la levée des « campements », mais surtout après toute une campagne de dénigrement lancée une semaine auparavant par la droite, mais suivie par le Parti socialiste. Celle-ci ne les nommait pas les indignés, mais les « violents », faisant ainsi l'amalgame avec les actions des « violents » basques, réprouvées par une fraction non négligeable de la population.
Le samedi 11 juin en effet, alors qu'un peu partout les nouvelles équipes municipales ou régionales, de droite pour la plupart, qui intégraient leurs postes après les élections, étaient apostrophées par les indignés, des incidents ont eu lieu à Barcelone. Bien que très mineurs et pas sans provocation policière, ils furent vite montés en épingle par la presse aux ordres. Mais plutôt que de dénoncer la violence policière et la manoeuvre elle-même, le mouvement du 15 mai s'est démarqué des incidents, se drapant dans la non-violence et affichant son pacifisme. Les discussions à ce sujet ont abondé, non plus dans les « campements » mais dans les assemblées et toutes les commissions du mouvement.
Car ce sont celles-ci aujourd'hui qui fonctionnent et ont organisé un certain nombre de choses, comme les actions du 11 ou du 19 juin. À Madrid par exemple, c'est des quartiers que sont partis les différents cortèges qui confluaient au centre de la ville et qui grossissaient au fur et à mesure du parcours.
Il y a aussi les actions plus locales. Une résolution prise par beaucoup est l'engagement à s'opposer aux expulsions de logements. Cela se met en pratique dans bien des quartiers, mobilisant des dizaines d'habitants. Les expulsions touchent des milliers de familles qui, avec la crise, non seulement voient leur maison confisquée mais doivent continuer à payer le crédit !
Le mouvement qui a commencé le 15 mai (15-M) est très populaire. Cela s'est vu le 19 juin à Madrid par exemple quand, dans les quartiers, les personnes âgées dans l'impossibilité de manifester se mettaient aux fenêtres pour applaudir ; ou quand les personnels de santé sortaient de leur établissement pour manifester leur solidarité. Et les assemblées se font l'écho des inquiétudes et de la colère des travailleurs. Ainsi, dimanche 19 juin, les banderoles dénonçant les banquiers, les patrons, le chômage, ont noyé bien souvent celles « contre le pacte de l'euro », mot d'ordre des représentants de « Démocratie réelle, maintenant », qui voudraient mettre en avant la responsabilité de la politique de l'Union européenne, d'Angela Merkel, plutôt que celle des patrons, des capitalistes, y compris bien sûr espagnols.
Parallèlement, les attaques du gouvernement continuent. Il vient d'approuver un décret-loi sur les négociations collectives qui permet aux patrons de licencier encore plus facilement et à moindre coût, alors que plus de 20 % de la population sont déjà au chômage et que les salaires des travailleurs sont continuellement revus à la baisse.
Aujourd'hui, bien des travailleurs sont contents de pouvoir manifester leur mécontentement avec les autres indignés, dans la rue et le quartier, à défaut d'oser le faire dans leurs entreprises par peur du licenciement et du chômage. Le mouvement du 15-M, loin d'être fini, est bien vivant. S'il contribue à mettre à l'ordre du jour l'exigence que ce soit aux responsables de la crise, aux banquiers, aux capitalistes, de payer celle-ci, il peut être un pas vers la riposte indispensable du monde du travail.