Groupe PSA : Non aux fermetures ! Partage du temps de travail !15/06/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/06/une2237.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Groupe PSA : Non aux fermetures ! Partage du temps de travail !

La direction du groupe PSA, depuis plusieurs années, a prévu de fermer trois sites de production : Aulnay-sous-Bois, Sevelnord et Madrid. Elle espérait pouvoir continuer de cacher ses intentions pendant encore un an... mais ses plans ont été révélés publiquement.

Jeudi 9 juin, lors d'une conférence de presse organisée au siège de la CGT, des militants syndicaux du groupe et des responsables de la fédération de la métallurgie annonçaient la nouvelle : un document confidentiel de la direction, daté du mois d'août 2010, programmait noir sur blanc la fermeture des sites d'Aulnay-sous-Bois, de Sevelnord à Hordain et de Madrid.

Aussitôt largement relayée par les médias, cette annonce a eu pour première conséquence une véritable panique à la direction du groupe. Celui-ci a commencé par convoquer une audioconférence avec la presse, pour tenter de démentir ces informations, puis a convoqué séance tenante les syndicats du groupe au siège de PSA pour... leur confirmer à demi-mot les informations révélées par la CGT : le patron du groupe lui-même, Philippe Varin, et le directeur industriel Denis Martin, visiblement hors de lui, reconnaissaient que cette note était bien réelle, et que le groupe n'avait aucune garantie à donner sur l'avenir du site d'Aulnay après la fin de vie du véhicule C3 actuellement assemblé dans cette usine.

LE PLAN SECRET DE VARIN

Que dit cette note confidentielle révélée au public ? Il s'agit d'un plan de bataille précis, sur plusieurs années, secrètement concocté par les professionnels de la bourgeoisie pour améliorer ce qu'ils appellent l'efficacité industrielle, c'est-à-dire, en français courant, les profits. Le problème de la direction n'est nullement de faire face à une baisse des ventes - celles du groupe ont touché un record historique l'an dernier - mais de réussir à produire autant en dépensant moins sur les salaires. Il s'agit donc, d'une part, de priver de leur emploi plusieurs milliers de travailleurs et, de l'autre, d'aggraver l'exploitation pour ceux qui récupéreront la production des usines menacées. Dans le langage glacé des patrons, cette attaque brutale contre les travailleurs s'appelle : « formater l'outil industriel » et « adapter les capacités pour de meilleures performances », afin de « restaurer une rentabilité satisfaisante ». On croit rêver : rappelons que PSA a réalisé 5,7 milliards de profits dans les sept dernières années, et qu'il y a moins d'un mois les actionnaires se sont voté rien moins que 257 millions d'euros de dividendes ! Mais cela ne représente évidemment pas une « rentabilité satisfaisante » pour des actionnaires qui n'en ont jamais assez.

La direction du groupe a donc décidé - insistons, il s'agit bien de décisions, et non d'hypothèses comme le prétend aujourd'hui Varin - en janvier 2010 d'affecter à l'usine de Poissy la production des C3 actuellement fabriquées à Aulnay - c'est-à-dire de surcharger de travail les ouvriers de Poissy - et de fermer Aulnay. Ou plutôt - pardon - de « créer un pôle majeur unique région parisienne », une « usine unique d'excellence ». Qu'en termes choisis ces choses-là sont dites ! Chez PSA, on ne ferme pas d'usine, on ne prive pas d'emploi 3 500 ouvriers et des milliers de sous-traitants : on « crée » une usine unique.

La direction a prévu tous les détails de cette fermeture, notamment la somme que rapportera la vente du terrain de l'usine d'Aulnay : 300 millions d'euros - ce qui permettra, selon la note, « un retour sur investissement de l'opération inférieur à dix ans ».

Il est également écrit noir sur blanc dans cette note que la fermeture, prévue courant 2014, ne devait être annoncée qu'au deuxième semestre 2012, pour se caler « sur le calendrier électoral français » : en clair, l'annonce devait se faire après les élections, à la fois pour ne pas mettre en difficulté le gouvernement actuel et surtout, sans doute, pour éviter que la fermeture d'Aulnay ne devienne un enjeu de la campagne électorale. C'est raté.

La note précise ensuite que la direction « examine l'avenir » - c'est-à-dire envisage sérieusement la fermeture - des usines de Madrid et de Sevelnord à Hordain, et envisage de créer une usine dans un pays où les salaires sont dérisoires, Maroc, Turquie ou Europe de l'Est. Pour le choix du pays, le patron paiera un cabinet de consultants.

UNE FERMETURE ANNONCÉE

Quelles que soient les tentatives pitoyables de démenti de la direction, il suffit d'ouvrir les yeux, à l'usine, pour savoir qu'il s'agit bien d'un plan non seulement décidé, mais même mis en oeuvre depuis au moins trois ans : en juin 2008, l'usine avait déjà été réduite de moitié avec la fermeture d'une des deux lignes de montage. En octobre 2010, l'équipe de nuit était supprimée - avant de rouvrir, comme par hasard, quelques mois plus tard... mais à Poissy. La baisse régulière de la production à Aulnay s'accompagne d'une montée en puissance tout aussi régulière de celle de Poissy, c'est-à-dire d'une aggravation continue de l'exploitation des ouvriers de cette usine. Et dans le même temps, à travers des départs « volontaires » et des mutations vers d'autres sites, la direction s'applique à vider l'usine d'Aulnay - dont les effectifs sont passés de 6 200 ouvriers en 2004 à 3 500 aujourd'hui.

Tout cela faisait pressentir à tous les travailleurs de l'usine que la perspective d'une fermeture était bien réelle.

LES RÉACTIONS À L'USINE

Dès les premières heures qui ont suivi la conférence de presse, les ouvriers de l'usine d'Aulnay ne parlaient plus que de cela : les journaux télévisés où la nouvelle était évoquée tournaient en boucle sur les téléphones portables. Pour les ouvriers, on passait de la crainte provoquée par les évolutions de ces dernières années à une décision officielle, et chacun a été profondément choqué du cynisme de la direction, de la manière dont elle a menti aux travailleurs depuis des années. Chez les ouvriers les plus combatifs, le sentiment dominant était, dès le lendemain de la conférence de presse, la fierté du fait que les militants de l'usine aient dénoncé publiquement les agissements de la direction, de voir l'affolement des dirigeants et leurs tentatives de se justifier piteusement.

Ce sentiment d'avoir marqué un point est profondément justifié : la direction fait sa petite cuisine, en secret ; dans ses bureaux feutrés, elle décide de la vie de milliers d'ouvriers, et espère que ses décisions resteront secrètes. Eh bien, pour une fois, elle a raté son coup, et elle se retrouve à présent face à des travailleurs qui savent ce qui se prépare et vont avoir le temps de se préparer à riposter. C'est ce que le patron de PSA aurait, à tout prix, voulu éviter.

L'heure est maintenant aux discussions dans les ateliers. Que faire, qu'exiger, comment s'organiser ? Il est évident que la direction va continuer de mentir et de biaiser, pendant des mois. Mais les ouvriers, mieux armés par le fait qu'ils sont au courant du plan de bataille de la direction, ont les moyens de riposter. Il y a dans cette usine 3 500 ouvriers, ce qui représente une force sociale considérable. Face au patron qui va tout essayer pour diviser les travailleurs, en proposant des solutions individuelles, il faudra que s'impose la conscience que c'est seulement en se battant « un pour tous et tous pour un » que l'on pourra s'opposer aux plans du patron.

Il n'y a absolument aucune fatalité à la fermeture d'Aulnay : du travail, il n'y en a que trop ; de l'argent, il y en a plein les coffres des actionnaires. Les usines de Poissy et d'Aulnay ont les mêmes installations, les mêmes lignes de production : il suffit de partager la production entre ces deux sites, en ajustant le temps de travail s'il le faut, et sans un centime de baisse des salaires, pour qu'aucun ouvrier ne perde son emploi.

Cela coûtera de l'argent aux actionnaires ? Et alors ? Cela fait des décennies que ceux-ci - et notamment la famille Peugeot - se gavent grâce au travail des ouvriers du groupe. Il n'est que temps que la colère de ceux-ci permette d'inverser la tendance.

La révélation du plan secret de Varin a mis, indiscutablement, la direction en difficulté. C'est une petite victoire pour les travailleurs. Il reste à présent à organiser la riposte. Il faudra qu'elle soit massive, puissante, explosive - c'est-à-dire à la mesure de l'offensive patronale.

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