Mardi 7 mai, cela faisait douze jours que les travailleurs de l'entreprise Leguay Emballages étaient en grève et bloquaient leur usine. La production était paralysée, les piquets empêchant les camions chargés de matériel d'entrer ou de sortir.

Les grévistes réclament 5 % d'augmentation de salaire, au lieu des 2 % accordés cette année. Ils demandent aussi une prime de déménagement de 450 euros et une prise en charge des trajets. L'usine doit en effet déménager à Saint-Cyr-en-Val, à l'extrémité sud de l'agglomération d'Orléans, ce qui occasionnera des trajets et des frais supplémentaires pour de nombreux employés habitant au nord.

Mais ce qui a mis le feu aux poudres, c'est l'annonce qu'aucune participation aux bénéfices ne serait versée pour l'année 2010.

Depuis des mois, la direction n'a eu de cesse de demander des efforts. Des travailleurs ont accepté de travailler des nuits en plus (cinq nuits de suite au lieu de quatre) ainsi que des samedis. Le rendement exigé est sans cesse revu à la hausse. Comme le raconte une gréviste : « Avant on était trois par machine, maintenant on n'est plus que deux. Comment dans ces conditions avoir du rendement ? » Tous ont le sentiment que ces efforts ont été consentis en vain.

C'est à juste titre que des travailleurs demandent l'ouverture des comptes de l'entreprise, car chacun a conscience que de l'argent, il y en a. Aujourd'hui la direction dit qu'il y aurait moins de volumes, et que par conséquent il y aura un plan social. Mais l'entreprise dégage suffisamment de bénéfices pour que tous les emplois soient maintenus. Il n'y aurait qu'à prendre sur les bénéfices passés, si ceux de l'année ne suffisent pas.

L'arrogance de la direction a été aussi pour beaucoup dans le déclenchement du mouvement. Le directeur s'est même permis de traiter les grévistes « d'enfants capricieux qui tapent du pied ». Exiger des salaires décents alors que nous faisons tourner l'entreprise, vouloir permettre une vie correcte à sa famille, seraient selon lui des caprices !

Au mépris du directeur s'ajoutent les menaces : « Si vous n'êtes pas contents, vous pouvez aller voir ailleurs. » Devant la détermination du mouvement, il a un peu changé de ton, allant même jusqu'à venir nous dire bonjour aux piquets de grève. Il faut croire que la grève lui a enseigné au moins la politesse. En revanche, la direction utilise tous les moyens à sa disposition pour faire pression sur les grévistes. Elle faisait sortir un camion le jour férié de l'Ascension, comme si cela allait relancer l'usine paralysée par la grève ! Elle a fait aussi venir un huissier pour constater le blocage... mais ce n'est pas non plus lui qui risque de relancer la production. Enfin, un travailleur a reçu une lettre en vue d'un licenciement pour motif économique... comme par hasard en pleine grève ! Enfin, un directeur de Famar, l'entreprise pharmaceutique pour laquelle Leguay produit des emballages, est venu en personne avec un camion, mais il a dû repartir à vide.

Ces manoeuvres d'intimidation, loin de décourager les grévistes, n'ont fait que renforcer leur détermination. Nombreux chaque jour aux piquets devant l'usine, ils reçoivent de nombreux encouragements.