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Dans le monde
Dette des États : Les spéculateurs et leurs rabatteurs
En l'espace de quelques semaines, en dégradant coup sur coup leur appréciation du Portugal et de la Grèce puis, chose nouvelle, des États-Unis ainsi que de l'Italie et de la Belgique, les grandes agences de notation financière - les Big Three, les trois grandes que sont les américaines Standard & Poor's, Moody's et Fitch - ont à nouveau fait parler d'elles. Et, surtout, elles ont encore un peu plus enfoncé la Grèce et le Portugal dans la crise. Cela a aussi ouvert de nouvelles perspectives de gains spéculatifs sur la dette de l'Italie et de la Belgique, voire des États-Unis, pour les financiers de tout poil.
L'abaissement de la notation du Portugal et de la Grèce a notamment provoqué une nouvelle envolée du coût des crédits auxquels ces États doivent recourir pour faire face à leur dette publique : plus de 15 % par an sur dix ans et plus de 24 % annuels sur deux ans dans le cas de la Grèce ! Une dette qui d'ailleurs s'aggrave de jour en jour, car la dégradation de la notation des États concernés les pousse à s'endetter toujours plus, à des taux toujours plus élevés, tandis que les mesures d'austérité qu'ils mettent en oeuvre, sous la haute surveillance des institutions financières internationales, tel le FMI, en sabrant dans le niveau de vie de leurs populations, ont pour effet mécanique d'étrangler leur économie et du même coup les rentrées fiscales des États... ce qui aggrave la crise. C'est une spirale infernale dans laquelle le système enferme ces peuples. Mais, ce qui est un drame pour eux est une aubaine pour les « marchés », autrement dit pour les grandes banques mondiales qui spéculent sur la dette des États.
Les agences de notation financière, censées évaluer la solvabilité des États et des grosses entreprises, adoptent une posture de juge impartial. Dans le cas des géants de l'industrie et de la finance mondiaux qui ont recours à leurs services, c'est évidemment faux : les grands groupes paient les agences pour qu'elles les notent... bien, ce qui leur permet ensuite de monter d'autres opérations - fusions, emprunts, etc. - aux conditions les plus avantageuses.
On a vu fin 2001 ce qu'il en était de la prétendue « indépendance » de ces agences, lorsqu'éclata le plus important scandale comptable de toute l'histoire mondiale, celui du géant industriel américain Enron. Quelques jours encore avant la faillite d'Enron, lesdites agences, qui l'avaient pour client, lui accordaient leur note maximum. Ce scénario se répéta, mais à une tout autre échelle, avec les subprimes, qui allaient plonger le monde entier dans une crise comme on n'en avait pas connue depuis 1929. Les mêmes agences ont, pratiquement jusqu'au krach, soutenu par des notations flatteuses les organismes financiers qui commercialisaient ces crédits pourris et leurs produits dérivés. On connaît la suite.
Dans le cas des États, les agences de notation, que des milliers de liens d'affaire et de clientélisme unissent aux « marchés », autrement dit au monde des financiers-spéculateurs, ont évidemment tout intérêt à aller dans le sens de ce que souhaitent ces derniers. À savoir qu'elles mettent toujours plus de proies à leur merci, si possible en les désarmant par avance.
Le ministre grec des Finances a bien pu protester que « rien d'objectif » n'étayait la dégradation de la note de son pays, des économistes portugais attaquer en justice ces agences qu'ils accusent de parti pris, et même le président de la Banque centrale européenne affirmer que « la très grande concentration [des agences de notation] posait problème », ce n'est pas cela qui peut contrarier la logique d'un système financier capitaliste lancé dans une curée à l'échelle planétaire sur des États que leur endettement affaiblit.