Les héritiers de Louis Renault contestent la nationalisation de 1945 - 1940-1945 : Une bonne période pour le patronat français18/05/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/05/une-2233.gif.445x577_q85_box-0%2C12%2C166%2C228_crop_detail.png

Leur société

Les héritiers de Louis Renault contestent la nationalisation de 1945 - 1940-1945 : Une bonne période pour le patronat français

Les huit petits-enfants de Louis Renault ont engagé une procédure contre l'État pour contester la nationalisation en 1945 de ses usines. Ils veulent ainsi obtenir réparation et réhabiliter leur aïeul, victime selon eux d'une accusation calomnieuse et d'une spoliation injuste lorsque les usines Renault, ont été nationalisées pour cause de collaboration avec l'occupant allemand.

L'ordonnance de 1945 prévoyait bien d'indemniser les actionnaires de l'entreprise, mais pas Louis Renault qui détenait à l'époque 96,80 % du capital.

En 1959, les héritiers de Renault avaient déjà tenté de contester cette nationalisation. Ils avaient été déboutés car la justice ne pouvait revenir sur un acte législatif. Mais, depuis 2010, l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) permet de contester devant le juge constitutionnel une telle disposition. Les héritiers de Renault plaident donc que cette nationalisation est anticonstitutionnelle : d'après eux, elle viole le droit sacré de propriété, inscrit dans la Constitution, et remet en cause le principe de présomption d'innocence, Louis Renault étant mort avant son procès et n'ayant pu se défendre du reproche de collaboration.

Effectivement, la Constitution garantit la propriété privée des plus riches, même si elle permet qu'un ouvrier soit évincé de son appartement quand il ne parvient plus à payer ses crédits du fait d'un licenciement. Mais ce que les héritiers oublient de mentionner, c'est que les usines Renault étaient en 1944 en grande partie un champ de ruines. L'usine-mère de Billancourt à l'île Seguin était par exemple détruite aux deux-tiers. L'État, à l'époque, avait nationalisé cette entreprise surtout pour faire redémarrer un secteur phare de l'économie : l'automobile, mais aussi les moteurs d'avion fabriqués à l'époque par Renault. Sans les capitaux de l'État, le redémarrage se serait avéré difficile, voire impossible, et il ne serait peut-être rien resté à la famille.

Quant au deuxième argument, qui porte sur la présomption d'innocence, il peut faire sourire, car la majorité du grand patronat, Louis Renault compris, a bel et bien collaboré et en particulier profité du régime de dictature et de l'occupation pour remettre en cause tous les droits des travailleurs - en particulier ceux arrachés au patronat par la grève générale de 1936. Cela lui a permis d'allonger la semaine de travail et de la porter à 54 heures par semaine, de baisser les salaires de manière drastique et par voie de conséquence de s'enrichir considérablement. Ce même patronat recevait et fêtait dans ses salons, non seulement les officiers allemands, mais aussi les dignitaires nazis qui traquaient sans relâche et torturaient les militants communistes ou les syndicalistes !

Ses héritiers affirment que Louis Renault n'a pas agi avec plus de zèle que les autres patrons et que si dans son usine on réparait des chars de combat, c'était sous la contrainte. En réalité, ce patron-là ne supportait pas de se voir imposer quoi que ce soit par les autorités, qu'elles soient françaises ou allemandes. En 1939, il avait été sanctionné par les autorités françaises pour manque de zèle dans l'effort de guerre, car il rechignait à faire les investissements nécessaires pour produire des chars ou des obus et préférait se consacrer à l'activité plus lucrative des voitures individuelles. Donc, Louis Renault, comme bien d'autres patrons, voulait bien contribuer à l'effort de guerre si cela l'enrichissait, comme il voulait bien profiter de toutes les lois du régime de Pétain et de la dictature nazie pour s'enrichir.

Au sortir de la guerre, ce n'est pas seulement les usines Renault, c'est l'ensemble du patronat qui aurait dû être exproprié et ses usines placées sous le contrôle des travailleurs. Mais le gouvernement alors présidé par de Gaulle et avec la participation du Parti communiste avait au contraire pour souci de remettre en route l'économie capitaliste et sa machine à profits... dont ces huit héritiers, 66 ans après, réclament maintenant leur part !

Partager