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Dans le monde
Égypte : L'armée est aux commandes et le montre
Vendredi 8 avril, des milliers de personnes se sont rassemblées place Tahrir, au Caire. Les mots d'ordre essentiels de ce « vendredi de la purge et du jugement » consistaient à exiger du Conseil militaire suprême, qui détient le pouvoir, que soient concrètement engagées des poursuites contre l'ancien dictateur Moubarak, ses fils et son cercle de fidèles. Certains slogans appelaient au renversement du maréchal Tantaoui, chef du Conseil et qui fut ministre de la Défense de Moubarak vingt ans durant.
On a pu voir de nouveau une place Tahrir noire de monde, certains manifestants arborant des drapeaux syriens, libyens, palestiniens en soutien aux révoltes populaires dans le monde arabe. Quelle a été la succession des événements qui ont conduit à l'intervention de la police anti-émeutes ? Des témoins racontent, sur leurs blogs, que parmi les intervenants sur un podium dressé sur la place figurait un groupe d'officiers subalternes et de soldats accusant le Conseil suprême d'être à la solde de l'ancien régime. D'aucuns évoquent une provocation, organisée et rétribuée par un proche de Moubarak. Toujours est-il que, dans la soirée, l'intervention brutale des forces armées s'est soldée par la mort d'un manifestant et plusieurs dizaines de blessés, selon les chiffres du ministère de la Santé.
La veille, une cour martiale condamnait à trois ans de prison un jeune blogueur, Maikel Nabil Sanad, pour avoir sur son site sévèrement critiqué l'armée, ses exactions à l'encontre de nombreux manifestants et son manque d'empressement à s'en prendre à l'ancien dictateur et aux siens. Selon ce blogueur et les affirmations de l'ONG Human Rights Watch, plus de deux cents manifestants auraient été arrêtés en deux mois, des dizaines d'entre eux traînés devant des tribunaux militaires et jugés sans même la présence d'avocats. Maikel Sanad a été victime du même traitement, lui qui dénonçait la persistance des arrestations arbitraires, des coups, des tortures, voire des disparitions, tout en posant la question : « L'armée égyptienne est-elle du côté de la révolution ? »
Prétendant assurer provisoirement le pouvoir dans l'attente d'élections législatives en septembre et présidentielles un ou deux mois plus tard, l'état-major militaire a déjà répondu à cette question. Pour lui, il n'a jamais été question de révolution, mais d'assurer la continuité du pouvoir après le départ d'un Moubarak trop discrédité. Et après s'être pendant quelques semaines appuyé sur l'illusion d'une armée « du côté du peuple », ce pouvoir est en train de montrer son vrai visage.