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Syrie : La dictature d'Assad remise en cause
Après les autres pays arabes, c'est maintenant la Syrie qui est touchée par la vague de contestation. Depuis le 18 mars, des manifestants réclament la libération des milliers de détenus politiques, la levée de l'état d'urgence, la liberté d'expression et de réunion et la fin de l'arbitraire de la toute-puissante sécurité d'État. Les manifestations ont touché plusieurs villes de Syrie, notamment le port de Lataquié et surtout la ville de Deraa, au sud, où la répression aurait causé la mort d'une centaine de manifestants.
Comme d'autres l'ont fait avant lui, le régime de Bachar Al-Assad manie tout à la fois une répression violente et des gestes qui voudraient être d'apaisement. Depuis le 24 mars, il promet la création d'une commission chargée d'examiner l'abrogation de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963, une législation sur la liberté de la presse et des partis politiques. Il a également augmenté les salaires des employés de la fonction publique.
Enfin, mardi 29 mars, le Premier ministre et toute son équipe ont démissionné, avant la mise en place d'un nouveau gouvernement qui serait censé tenir les promesses de libéralisation. En même temps, le régime orchestrait des contre-manifestations en sa faveur. Une journée de repos était accordée aux écoliers et aux employés de banque, d'autres salariés avaient droit à deux heures pour assister aux manifestations.
La population syrienne n'a connu depuis plus de cinquante ans que la dictature du parti Baath, qui sous la direction de la famille Al-Assad, parvenue au pouvoir en 1970, avait réussi à mettre fin à l'instabilité que connaissait le pays depuis son indépendance à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En 2000, lorsque Bachar avait succédé à son père Hafez décédé après trente ans de pouvoir, on avait parlé d'un « printemps de Damas ». Une partie de l'opposition s'était mise en avant, réclamant la fin de la dictature. Mais rapidement, le nouveau président avait repris les choses en mains.
Les dirigeants du monde arabe, mais aussi les dirigeants impérialistes, suivent avec une préoccupation visible l'évolution politique en Syrie. Même si les uns et les autres n'ont jamais manqué de fustiger le régime, voire d'en faire l'ennemi à abattre, ils savent bien qu'à sa manière celui-ci leur a été précieux. La Syrie a été longtemps le foyer du nationalisme arabe et la dictature des Assad s'en est bien sûr réclamée, mais tout en sachant fort bien composer avec les dirigeants impérialistes. C'est elle qui a collaboré pendant des années à maintenir l'équilibre du Liban voisin après l'éclatement de la guerre civile en 1975, et à contrôler les mouvements palestiniens. Et si la Syrie maintient toutes ses revendications à l'égard d'Israël, qui occupe toujours le territoire syrien du Golan, elle sait aussi observer le statu quo avec son voisin.
Sur le plan intérieur, les Assad ont mis le Parti Communiste syrien à leur service en l'intégrant à un « Front national progressiste » voué à soutenir le gouvernement, les fractions du PC opposées à cette collaboration étant, elles, envoyées en prison. Enfin, l'opposition islamiste a été violemment réprimée, notamment avec le bombardement de la ville de Hama, en 1982, lors d'un soulèvement dirigé par les Frères Musulmans.
La fin de la dictature d'Assad pourrait donc signifier le retour sur la scène politique des masses populaires syriennes, et en particulier d'une classe ouvrière qui ne manque pas de traditions de lutte et de conscience politique. Et il y a là de quoi inquiéter les dirigeants du monde impérialiste et des puissances de la région
En effet, si la dictature syrienne vacille, c'est un fragile équilibre intérieur qui pourrait être remis en cause. Mais c'est aussi le fragile équilibre du Proche et du Moyen-Orient qui pourrait l'être, le régime d'Assad maintenant jusqu'à présent une sorte de balance entre Israël, l'Iran, le Liban, les autres pays arabes et les puissances impérialistes.
Toutes ces puissances se demandent donc qui pourrait bien remplacer Assad, et quelles forces politiques pourraient émerger parmi les manifestants qui aujourd'hui le contestent. Mais ce qui pour elles est un motif d'inquiétude peut être un motif d'espoir pour tous ceux qui, dans le monde arabe, aspirent à en finir avec une situation de misère et d'oppression.