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Dans le monde
Italie : Berlusconi, le mépris des femmes... et la pourriture d'une société
« Basta ! (Ça suffit !), l'Italie n'est pas un bordel ! » C'est ce qu'ont crié les centaines de milliers de femmes qui ont manifesté dimanche 13 février dans toute l'Italie, pour dénoncer l'image dégradante de la femme et de son rôle qui s'impose dans le pays, notamment - mais pas seulement - avec l'étalage des scandales sexuels du Premier ministre Berlusconi.
Depuis des mois, ces scandales se succèdent, révélant dernièrement que Berlusconi avait recours aux services d'une prostituée mineure, Ruby « Rubacuori » (« voleuse de coeurs »), et organisait dans sa villa d'Arcore, près de Milan, des soirées orgiaques baptisées « bunga-bunga ». Une conseillère régionale de Lombardie, élue grâce au « piston » berlusconien, remplissait en même temps le rôle d'entremetteuse pour fournir au soi-disant « Cavaliere » de la chair fraîche rémunérée par celui-ci un minimum de 5 000 euros la nuit. Les relations d'affaires du même Berlusconi étaient aussi mises à contribution pour lui fournir des « escort girls » qu'il promettait de payer par différents avantages. De leur côté, de jolies « masseuses » étaient chargées de récompenser un ministre pour les marchés accordés à des hommes d'affaires véreux, voire mafieux. Et l'on en passe, car la liste est trop longue.
Mis en cause et maintenant poursuivi par la justice pour recours à la prostitution de mineures, Berlusconi s'indigne en proclamant une fois de plus que les faits dénoncés ne sont que calomnies, que les poursuites engagées contre lui ne sont qu'un complot « politique » de juges « communistes », qui voudraient le faire démissionner au mépris de la volonté du peuple italien, que les manifestations des femmes sont scandaleuses et relèvent d'un complot politique. Mais si la gauche était évidemment plus présente dans les manifestations que la droite, c'est bien le comportement de Berlusconi qui soulève l'indignation.
On ne sait s'il faut rire ou pleurer de voir cet affairiste semi-mafieux, parvenu à la tête d'un grand État européen, se permettre des frasques de vieux jouisseur obsédé et considérer que, puisqu'il a l'argent pour payer, il n'y a rien à lui reprocher. Il est vrai que, dans la société telle qu'il la conçoit, tout s'achète : il a même en fait acheté sa place de président du Conseil grâce à son argent de grand capitaliste de la télévision, acheté ses ministres, ses députés... Alors, pourquoi pas les femmes, même mineures, et les soirées de « bunga-bunga » ?
Une partie des femmes italiennes ont donc manifesté leur écoeurement face à ce triste étalage, et beaucoup ont fait savoir qu'il ne s'agissait pas là de moralisme. Elles s'indignent non seulement de Berlusconi et de ses pitoyables manies, mais du mépris croissant des femmes qui imprègne la société. S'il est vrai que le Premier ministre est un symbole du machisme traditionnel de la société italienne, il est vrai aussi que celui-ci, un moment battu en brèche, se renforce en même temps que la société régresse. Le chômage croissant des femmes, la précarisation des emplois, rendent leur situation toujours plus fragile. À une étudiante se plaignant du manque d'emplois, un Berlusconi a pu répondre en lui conseillant avec un gros rire, « puisqu'elle est jolie, de se trouver un mari riche »...
Ce n'est pas qu'une déplaisante plaisanterie : de plus en plus cette société en crise, où la seule loi est le sacro-saint marché désormais encensé aussi bien par la soi-disant gauche que par la droite, ne propose à la femme sans emploi d'autre idéal que de réussir à se vendre. Et cet idéal devient par exemple d'aller faire la « soubrette » ou la présentatrice déshabillée pour les émissions de la télévision Berlusconi - mais aussi de plus en plus de la télévision d'État -, pour une réclame de soutiens-gorge ou une revue masculine ; ou alors de se trouver un « mari riche », mais aussi pourquoi pas ? de faire l'« escort girl » ou de se prostituer. Cela peut même être la voie pour devenir députée ou ministre. Et celles qui ne veulent pas s'y engager ne peuvent que s'attirer le rire gras de ceux qui, comme le Premier ministre, considèrent que leur position naturelle est horizontale.
Alors oui, Berlusconi symbolise bien cette société, et l'on comprend toutes celles et tous ceux qui crient leur dégoût. Mais cette société où tout se vend ne dégrade pas seulement l'image et le rôle de la femme, elle dégrade encore plus les hommes et finalement tous les êtres humains et leurs rapports entre eux.
Alors Berlusconi finira bien par tomber, car il est décidément de moins en moins présentable, mais la société dont il est le symbole sera toujours là, et elle restera à révolutionner.