Port de Marseille-Fos : Malgré la campagne patronale, la grève continue10/02/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/02/une-2219.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Dans les entreprises

Port de Marseille-Fos : Malgré la campagne patronale, la grève continue

Une fois de plus le patronat marseillais a poussé des hauts cris contre les grévistes du Port de Marseille-Fos. Ils ont été soutenus dans leur campagne par la publication, par les journaux Le Figaro et La Provence entre autres, d'un pré-rapport de la Cour des comptes, qui ne devait être publié que le 8 février. Le hasard fait bien les choses. La radio France Info a pu ainsi en réciter en boucle les éléments les plus édifiants.

On a pu lire ou entendre ainsi l'indignation vertueuse de ces journalistes : les grutiers-portiqueurs de Marseille seraient beaucoup plus paresseux que leurs collègues du Havre, de Gênes, de Barcelone ou d'Amsterdam. Ils ne travailleraient -oh scandale !- que 12 heures à Marseille et 14 heures à Fos dans la semaine. Travaillant à deux par portique, ils ne conduiraient celui-ci que 3 heures à Marseille et 3 heures 30 à Fos. Et, ce faisant, ils gagneraient des sommes fabuleuses grâce à des primes qui « pourraient (!) s'élever jusqu'à 1 300 euros par mois, de sorte qu'un portiqueur est susceptible (!) de gagner mensuellement entre 3 500 et 4 500 euros net ».

Ce qu'ils ne précisent pas c'est qu'il faut un bon bout de temps pour gravir ou descendre les échelles ou les marches d'une grue ou d'un portique, qu'il vente ou qu'il pleuve. Il faut aussi longtemps pour rejoindre et trouver son poste de travail le long des dizaines de kilomètres de quais, à Marseille et à Fos.

Les portiqueurs sont aussi grutiers, c'est-à-dire qu'ils peuvent déplacer les conteneurs, mais aussi conduire des grues avec différents types de godets pour décharger par exemple l'alumine ou le blé. Il est indispensable de travailler à deux dans ce genre de travail, reliés par talkie-walkies. Ils se relayent régulièrement. Chacun reste une heure et demie en haut tandis que l'autre reste en bas une heure et demie à « la maintenance », pour intervenir éventuellement au sol et informer celui qui est en haut de ce qu'il ne peut pas voir. Les horaires changent en permanence en fonction des départs et arrivées des bateaux. Du coup leur prise d'embauche est aléatoire, et le travail se fait aussi de nuit.

Comme le travail des dockers, celui des portiqueurs est un travail difficile. Il faut surtout éviter le ballant et ne pas risquer d'écraser le docker qui doit verrouiller le conteneur au bateau. Les portiques n'étant pas tous équipés de caméras, il faut avoir une bonne vue pour voir quand on est à 35 mètres de haut. À Marseille il y a le problème du vent, au Havre celui de la brume. Et puis, à cette hauteur, mieux vaut aussi ne pas être pris d'une envie pressante.

Trois heures dans ces conditions sont déjà bien assez dures, et la Cour des comptes, les patrons et les journalistes qui affirment que le reste du temps ne fait pas partie du temps de travail doivent sans doute réclamer aussi que le chirurgien ne soit payé que pour le temps où il manie le scalpel.

L'actuel patron de l'Union patronale des Bouches-du-Rhône étale son indignation contre les travailleurs du Port qui, à l'appel de la CGT, continuent de faire grève : ils mettraient le port en danger de perdre des clients. Pour lui, la reconnaissance de la pénibilité du travail sur le Port pour permettre un départ anticipé à la retraite, ce qui est la revendication des grévistes, « ce n'est pas la question. Notre débat, c'est l'urgence de la situation économique ».

Ce qu'il ne dit pas d'ailleurs, c'est que les conteneurs manipulés valent très cher, et qu'ils préfèrent verser des primes pour garantir la réussite des manoeuvres : un conteneur écrasé ou endommagé, c'est des sommes très importantes envolées.

Quant au premier adjoint au maire de Marseille, Roland Blum, UMP, il a déclaré : « Ce que nous dénonçons depuis plusieurs années, ce sont les grèves constantes de la CGT, véritablement le cancer qui ronge le Port de Marseille », et devant l'union patronale il a parlé « d'une véritable mafia sur les quais du port ».

Tout ce beau monde se dit très inquiet pour la fiabilité du port de Marseille et son classement parmi les ports du monde. Qu'attendent-ils alors pour faire accepter par le gouvernement l'avancement du départ à la retraite du personnel portuaire ? Mieux vaut pourtant ne pas être trop usé pour gravir 35 mètres d'échelle et manipuler des conteneurs à distance ni pour les amarrer sur les bateaux. Aussi, la CGT maintient-elle son appel aux grèves alternées pour la reconnaissance de la pénibilité de ce travail.

Partager