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Tunisie : Répression contre la population à Sidi Bouzid
La ville de Sidi Bouzid, dans une région d'agriculture et d'élevage du centre-ouest de la Tunisie, a connu depuis le 17 décembre des manifestations de colère de la population pauvre, devant le siège du gouvernorat puis dans plusieurs quartiers populaires.
Productrice de céréales, de légumes, de lait et de viande, la région exporte une grande partie de ses tomates et fournit un nombre bien insuffisant d'emplois dans ses unités de fabrication de concentré et de harissa. Le chômage y dépasse de beaucoup le taux officiel du pays, qui est de 15,7 %. Beaucoup de jeunes quittent la région, dont la population diminue, faute de travail.
Au-delà de cette situation, l'origine de la révolte des habitants de Sidi Bouzid est la tentative de suicide, par le feu, d'un jeune marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, qui venait pour la énième fois de se voir confisquer sa marchandise par les représentants des autorités locales.
Cité par France 24, un manifestant témoigne ainsi du déroulement des événements : « Mohamed achetait sa marchandise en contractant des dettes. Or, comme tous les marchands ambulants, il n'avait pas le droit de vendre. Les fonctionnaires de la mairie venaient régulièrement lui confisquer sa brouette. Il perdait alors tout son capital. Vendredi matin, il venait juste d'acheter à crédit pour 300 dinars de marchandises [environ 130 euros] quand ils sont encore une fois venus réquisitionner sa brouette. [...] Ils ont saisi sa marchandise et l'ont molesté. Le jeune homme n'en pouvait plus de cette situation. Il est donc parti au siège du gouvernorat pour faire part de sa situation au gouverneur, pensant qu'il s'adresserait au bon interlocuteur. Mais Mohamed a été refoulé à l'entrée et empêché de rencontrer les responsables. Désespéré, il s'est procuré deux bidons de diluant dans une quincaillerie du quartier et a tenté de s'immoler.
Il a été transporté d'urgence à l'hôpital puis transféré vers le service des grands brûlés d'un hôpital de la région du Grand Tunis. Il est brûlé au troisième degré sur 70 % de la surface de son corps.
Ce malheureux événement a provoqué la colère de la population locale. Des amis de la victime, eux-mêmes commerçants ambulants, sont allés jeter leurs marchandises devant le siège du gouvernorat.[...]
Le lendemain, la marche organisée par les habitants a été réprimée par les forces de police à coups de bombes lacrymogènes [...] Des affrontements ont eu lieu dans toute la ville, des barricades ont été dressées et des voitures brûlées. On estime le nombre d'arrestations à une cinquantaine. Beaucoup de citoyens arrêtés puis relâchés affirment avoir été torturés. »
Les manifestations se sont poursuivies le lendemain et le surlendemain dans plusieurs quartiers de Sidi Bouzid et dans la ville de Meknès. Après avoir minimisé les faits, parlant de vente dans un « lieu non autorisé » et de « refus de se conformer aux réglements », les autorités gouvernementales admettent à présent un « incident isolé » qui serait utilisé par « une tentative de manipulation et de provocation » de la part de certains médias et militants d'opposition au dictateur Ben Ali.
La répression exercée contre les travailleurs qui tentent de survivre, et contre la population en colère, ne fera sans doute qu'exacerber celle-ci, bien justifiée.