Affaire Mediator : La recherche... du profit15/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2211.gif.445x577_q85_box-0%2C8%2C172%2C231_crop_detail.png

Leur société

Affaire Mediator : La recherche... du profit

Les abonnés au magazine La Recherche ont eu la surprise de recevoir, avec le numéro de décembre, un supplément gratuit intitulé « Le savoir du corps : réflexions croisées sur le soin ». Ce supplément se présente sous la forme d'un cahier de 24 pages en couleurs et sur papier glacé, avec un éditorial du philosophe et ex-ministre de l'Éducation nationale Luc Ferry et des articles ponctués d'interviews de pontes de la médecine. Les articles sont assez intéressants, et poussent parfois l'audace jusqu'à déclarer que « l'exigence de santé relève d'une urgence politique ». Cependant, l'une des idées distillées tout au long des articles est que, si nous sommes en droit d'exiger une médecine de plus en plus efficace, elle ne pourra jamais l'être à 100 %. Dit comme cela, c'est évidemment imparable.

Mais cette idée prend un tout autre sens lorsqu'on remarque que ce supplément a été édité par le groupe de pharmacie Servier, mouillé actuellement jusqu'au cou dans le scandale du Mediator. Ce médicament, au départ destiné aux diabétiques en surpoids, était pris aussi par des non-diabétiques. Il aurait été la cause de plus de 500 morts en trente ans, selon une étude officielle récente. Le groupe Servier se défend en disant, en substance, que 500 morts cela fait peu, au regard du nombre de patients qui ont pris le Mediator. Tout juste concède-t-il que ce n'est pas bon pour « l'image de marque » du groupe. En fait de cynisme, on ne fait pas mieux.

Pourtant, cela fait plus de dix ans qu'on soupçonne les effets secondaires du Mediator. Un autre médicament à la composition proche a par exemple été retiré de la vente dès 1997, et le Mediator lui-même a été interdit en Suisse dès 1998.

Dans le supplément distribué avec La Recherche, on trouve en pages centrales une interview du docteur Servier, fondateur du groupe. Autant dire qu'il n'y a aucune question sur le Mediator. Et à la question : « Quel est le rôle d'une entreprise pharmaceutique comme Servier ? », il répond : « Donner satisfaction aux médecins qui prescrivent, aux malades qui consomment nos médicaments, mais surtout contribuer aux progrès de la recherche. » Et bien sûr, pas du tout faire de confortables profits. C'est bien connu, et l'affaire du Mediator le montre, les entreprises pharmaceutiques sont avant tout des oeuvres de charité.

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