Côte d'Ivoire : Après l'élection présidentielle, la poudrière prête à exploser08/12/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/12/une-2210.gif.445x577_q85_box-0%2C14%2C164%2C226_crop_detail.png

Dans le monde

Côte d'Ivoire : Après l'élection présidentielle, la poudrière prête à exploser

L'élection présidentielle de dimanche 28 novembre a livré ses résultats : la Côte d'Ivoire a désormais deux présidents.

Alassane Ouatara a été proclamé vainqueur avec 54 % des voix par la Commission électorale indépendante. Mais le Conseil constitutionnel, à la solde de Laurent Gbagbo, a invalidé les votes de plusieurs départements du Nord et l'a désigné comme nouveau président avec 51 % des voix.

Les États-Unis, la France et la plupart des pays occidentaux ont choisi de soutenir Ouatara. La radio de l'ONU diffuse des messages annonçant que le président élu est bien Ouatara. Mais ce n'est pas cela qui va changer la situation dans le pays, divisé depuis des années entre la région du Nord, contrôlée par les armées rebelles, et le Sud avec Abidjan contrôlé par les troupes de Gbagbo.

Les deux clans veulent garder leurs postes, leurs positions, le contrôle lucratif sur leur région respective. C'est pourquoi, malgré tous les engagements pris de respecter le verdict « démocratique » des élections, chaque camp a formé son propre gouvernement et se prépare à l'imposer à l'autre, au besoin par la force. Bien évidemment, le chef militaire et politique de la région du Nord, Guillaume Soro, soutient Ouatara, lui-même originaire du Nord. Et l'état-major de l'armée officielle soutient Gbagbo.

Le problème posé depuis 2002 par la division du pays n'est donc pas près d'être résolu, bien au contraire. Car depuis huit ans il existe dans les faits deux zones autonomes, deux appareils d'État, deux armées, chacun rançonnant la population dans sa propre zone.

Plusieurs accords ont tenté de rétablir un semblant d'unité, en prévoyant l'intégration des troupes du Nord dans l'armée dite régulière. Mais dans les faits pas grand-chose n'a avancé. Par exemple les indemnités de démobilisation n'ont pas été versées comme prévu. Le désarmement des troupes non régulières est resté au niveau de la propagande.

Et cette partition a encore contribué à aggraver la situation catastrophique des classes populaires : les salaires sont bloqués depuis dix ans, alors que les prix des produits alimentaires ont flambé. Les hôpitaux, les centres de soins, les écoles, les routes, l'assainissement des quartiers pauvres, tout cela est à l'abandon.

Les heurts entre les partisans des deux clans auraient déjà fait plus de vingt morts, et la situation est explosive. Le couvre-feu a été prolongé d'une semaine par Gbagbo. Dans certains quartiers populaires il n'y a plus d'électricité, et les gens se barricadent. Le bras de fer risque à tout moment de se transformer en règlement de comptes sanglant, car les armes et les machettes sont déjà sorties. Le poison de l'ethnisme, distillé par chaque camp depuis des années, risque ainsi à tout moment de conduire à une véritable guerre civile.

Et si la situation débouche sur des affrontements explosifs, ce n'est certainement pas l'intervention des grandes puissances qui pourra régler le problème, tant leur rôle dans un passé même récent a prouvé qu'elles ne se souciaient que de leurs intérêts, et jamais des peuples. L'opération Licorne, où la France avait envoyé 5 000 soldats, dont certains avaient tiré dans la foule, reste un des exemples de ce qu'elles peuvent faire. En Côte d'Ivoire, l'héritage du colonialisme n'a pas encore fini d'être soldé.

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