Italie : La manifestation des métallurgistes à Rome - La nécessité d'une riposte ouvrière20/10/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/10/une-2203.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C168%2C229_crop_detail.png

Dans le monde

Italie : La manifestation des métallurgistes à Rome - La nécessité d'une riposte ouvrière

Le 16 octobre à Rome la manifestation nationale appelée par la FIOM a été un succès. La FIOM (Fédération des employés et des ouvriers de la métallurgie) fait partie de la CGIL, le plus grand syndicat italien, mais apparaît le plus souvent comme sa frange la plus radicale, alors qu'en revanche sa direction, et notamment le secrétaire général de la CGIL, Epifani, se préoccupent beaucoup plus de l'intérêt de l'industrie italienne que de celui des travailleurs du pays.

En tout cas, alors que les patrons, Fiat en tête, proclament ouvertement leur volonté de s'asseoir sur les droits acquis des travailleurs et de remettre en cause les contrats collectifs, la FIOM est aujourd'hui la seule à s'y opposer, tandis que les deux autres grandes centrales syndicales, CISL et UIL, se montrent disponibles à tout ce que leur demande le patronat, et qu'une grande partie de la CGIL serait prête à faire de même.

Ainsi, en juin et juillet derniers, le dirigeant de Fiat Sergio Marchionne a dirigé son chantage contre les travailleurs de l'usine du groupe à Pomigliano, en banlieue de Naples, subordonnant d'éventuels investissements dans cette usine à l'acceptation de la flexibilité, d'horaires démentiels et au renoncement d'avance à la grève. Seule la FIOM s'y est opposée, malgré une forte pression de toutes les forces politiques, des autres syndicats et même de la CGIL. Cela a entraîné le demi-échec du référendum organisé par Marchionne à Pomigliano, mais l'offensive patronale continue sur les mêmes thèmes, et la manifestation de la FIOM se voulait une réponse à cette offensive.

Un succès significatif

Malgré l'annonce provocatrice du ministre de l'Intérieur Maroni, membre de la Ligue du Nord, qui mettait en garde contre des infiltrations imaginaires de groupes violents « venant également de l'étranger », malgré l'ironie acide des journalistes roquets de Berlusconi et malgré ceux qui, du secrétaire de la CISL Bonanni à une partie de l'appareil dirigeant de la CGIL lui-même, imaginaient un triste défilé de quelques milliers de têtes grisonnantes, la manifestation nationale de la FIOM le 16 octobre à Rome a été immense, pacifique, pleine de jeunes et combative.

La manifestation a exprimé une rage et une volonté de revanche désormais très présentes parmi les travailleurs de toutes les catégories, pour s'opposer à ce qui passe désormais sous le vocable neutre de « crise », mais qu'il faudrait appeler plutôt offensive patronale contre les droits des travailleurs. Ces derniers mois, en s'opposant au chantage du manager de la Fiat à l'égard des travailleurs de l'usine de Pomigliano, la FIOM a gagné l'estime de secteurs du monde du travail au-delà de la catégorie des métallos. L'appel à manifester à Rome, en particulier parmi les ouvriers des entreprises menacées de fermeture ou déjà en chômage partiel, est apparu tout naturellement comme une occasion de sortir des limites de sa propre entreprise et de sa propre ville. Tout aussi naturellement, la FIOM a été vue comme la force pouvant donner le signal d'une reconquête de tout ce que les ouvriers ont perdu ces dernières années.

Quelles perspectives ?

Bien sûr, la manifestation a immédiatement fourni un nouveau prétexte à la polémique entre opposition et gouvernement, et à l'intérieur même de l'opposition. Dans le Parti Démocrate, l'opposition parlementaire à Berlusconi, qui avait annoncé ne pas la soutenir officiellement, la grande participation à la manifestation des métallurgistes aiguise les divisions internes. Certains adoptent pratiquement la position du ministre du Travail Sacconi, selon lequel elle était « une manifestation politique de la gauche radicale », et donc en prennent leurs distances. D'autres craignent que les partis à leur gauche n'en recueillent les fruits.

Dans les prochains jours, la gravité de la condition ouvrière, dont la grande participation à la manifestation de la FIOM a témoigné, disparaîtra plus ou moins rapidement de la liste des arguments occupant les débats et les rixes de la politique parlementaire. Il suffit de regarder une des nombreuses causeries télévisées pour voir comment les dirigeants politiques et les grandes plumes de la presse, invariablement invités, sont à l'aise pour combattre, ou faire semblant de combattre une guerre qui ne se mène qu'entre eux, dans le monde des appareils politiques et institutionnels. Les questions ouvrières, les problèmes du monde du travail, qui pourtant concernent la majorité de la population active, sont traités avec bien moins de compétence et beaucoup plus de distance. Au mieux, ils peuvent fournir un point de départ à des polémiques qui ensuite débouchent toujours sur les mêmes arguments : la réforme électorale, la « gouvernabilité », etc.

Tous ces personnages peuvent être laissés à leurs rixes et leurs fausses guerres. Quand il s'agit de grèves et de manifestations de masse, la question principale est le débouché à trouver, les perspectives que les travailleurs qui se mobilisent peuvent se donner. Ce problème aujourd'hui est central pour la classe ouvrière et ne peut être subordonné à aucune intrigue parlementaire.

L'étape suivante annoncée devrait être une grève générale. C'est ce qu'a dit le secrétaire de la FIOM, Landini, de la tribune de la place Saint-Jean-de-Latran, et même Epifani, secrétaire de la CGIL a approuvé tout en rappelant : « La grève est un grand sacrifice économique, il faut bien la préparer, en amenant tout le monde du travail avec les objectifs justes. » Les propositions des dirigeants réformistes de la CGIL et de la FIOM iront-elles dans la juste direction ? On peut fortement en douter. Par contre, on peut être sûr du succès d'une grève générale qui en effet doit être « bien préparée », mais pas d'ici cinquante ans.

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