Brésil : Deux candidats pour une même politique22/09/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/09/une2199.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Brésil : Deux candidats pour une même politique

Des élections auront lieu au Brésil le 3 octobre, pour élire députés régionaux et fédéraux, sénateurs, gouverneurs d'États et président. La campagne la plus médiatisée est celle qui oppose Dilma Rousseff et José Serra pour le poste de président. L'une est classée à gauche, l'autre à droite, mais il est difficile de voir des différences de fond entre leurs programmes électoraux.

Dilma Rousseff était jusqu'à son entrée en campagne la chef de gouvernement de Lula, à qui la Constitution interdit un troisième mandat présidentiel. On pourrait croire que le président sortant est à nouveau candidat, tellement il se dépense dans la campagne pour Dilma, tâchant de transférer sur elle la popularité dont il jouit encore après huit ans de pouvoir. Dilma est une administratrice, peu connue du grand public, qui n'a jamais disputé aucune élection jusqu'ici. Elle n'a adhéré au Parti des Travailleurs de Lula qu'en 2000, à un moment où le PT avait pris ses distances avec ses origines radicales et ouvrières, s'était transformé en un appareil gestionnaire et se préparait à accéder à la direction du pays.

Depuis un an environ, l'activité de Lula et du gouvernement vise donc à associer le nom de Dilma à des mesures gouvernementales populaires : mesures sociales en faveur des plus pauvres, inauguration de grands travaux, plans économiques grandioses. La campagne de la candidate du gouvernement consiste à se revendiquer du bilan social et économique de huit ans de présidence Lula : une forte croissance des exportations et de toute l'économie, un allégement de la pauvreté par des plans d'assistance, une certaine réduction du chômage, toutes choses qui peuvent faire penser que le Brésil échappe à la crise économique mondiale.

Dans le camp d'en face, José Serra veille soigneusement à ne pas critiquer Lula, dont le bilan semble justifier les 80 % d'opinions favorables qu'il recueille et dépassent largement l'audience du PT, de la gauche et de tous les partis associés au gouvernement. Le rival de Dilma Rousseff se contente de déplorer le poids des impôts et des taux d'intérêt, que Lula n'a pas allégés, certes, mais qu'il a reçus en héritage de Fernando Henrique Cardoso, le parrain politique de Serra qui n'a pas réussi à lui succéder en 2002, battu par Lula. Économiste de formation, comme Dilma, ancien député, sénateur, maire puis gouverneur de Sao Paulo, la capitale économique du pays, Serra dit en somme qu'il continuera la politique de Lula, en faisant mieux si possible.

La grande popularité de Lula n'est pas due qu'à sa politique. Lula est populaire parce qu'il a été il y a trente ans un leader ouvrier, qu'il en garde le dynamisme et le sens du contact, et que la grande majorité des appareils politiques et syndicaux présents dans la classe ouvrière travaillent en sa faveur. Il reste populaire, malgré les scandales qui ont émaillé sa présidence et malgré sa politique au gouvernement, pas à cause d'elle. Il a certes mis en place un système d'aides aux pauvres, en particulier des subventions aux familles pauvres ayant des enfants scolarisés. Cela explique que les gros bataillons électoraux du PT se trouvent maintenant dans le Nordeste misérable, et non plus dans les zones développées et ouvrières du sud et du sud-est du pays.

Mais le véritable volet de la politique de Lula est ce qu'il a fait au service de la bourgeoisie. Il a fait des grands propriétaires terriens les champions mondiaux des exportations de viande bovine et de soja, les laissant exploiter les terres publiques, détruire la forêt amazonienne, réduire leurs salariés en esclavage. Il a poursuivi les privatisations, les attaques contre les services publics et la Sécurité sociale. Il a aidé les banques à battre leurs records de bénéfices. La monnaie est forte et stable. Le pays s'apprête à devenir un gros producteur de pétrole, grâce à d'immenses gisements sous-marins. Grâce à quoi l'ancien leader ouvrier est devenu le chouchou des patrons.

Pour mener cette politique bourgeoise, Lula n'a pas hésité à s'en prendre aux intérêts ouvriers, réduisant les retraites des fonctionnaires, réprimant les grèves et les occupations de terres, gelant de fait la réforme agraire, s'attaquant au système de santé publique. Dans ce rôle de politicien bourgeois il a toujours pu compter sur l'appui de la droite brésilienne. La réforme générale des retraites qu'il est en train de mettre au point, pour allonger les années de cotisation et diminuer les pensions, est soutenue aussi bien par le PT et ses alliés que par le PSDB de Serra.

Autant dire que, pour les travailleurs brésiliens, Dilma et Serra c'est bonnet blanc et blanc bonnet.

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