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Allemagne : Un projet pharaonique qui ne passe pas
Depuis des semaines se développe à Stuttgart, la capitale du Land de Bade-Wurtemberg, une mobilisation contre un gigantesque projet de démolition - reconstruction de la gare, baptisé Stuttgart 21. Il s'agit dans ce projet, dont les premières ébauches datent de 1995 mais qui est désormais entré dans sa phase active, à la place de la gare de surface actuelle, de construire un gare souterraine, de percer 63 kilomètres de tunnels, dans le but d'améliorer la desserte de l'aéroport et la circulation des trains internationaux.
Si le mouvement a commencé en novembre 2009 avec un petit groupe d'activistes écologistes et alternatifs, il a pris de l'ampleur à partir de juin 2010 avec des actions quotidiennes de toute sorte, des rassemblements chaque lundi et, depuis la mi-août, des manifestations chaque vendredi. Si, début juin, ils n'étaient encore que quelques milliers à manifester, vendredi 10 septembre ils étaient 50 000, peut-être plus, à crier leur opposition au projet.
Ces manifestations rassemblent, de façon un peu hétéroclite, bien des tendances diverses : artistes, syndicalistes, dirigeants des Verts et de Die Linke, mais aussi des groupes de chrétiens ou encore des électeurs qui votent habituellement plutôt à droite. Ce qui rassemble tout ce monde, et au-delà fait discuter dans toute une ville qui n'a pourtant pas la réputation d'être contestataire, ne concerne pas seulement la gare, mais la somme qui va être consacrée à ce projet pharaonique. Si en 2007 le projet était estimé à 2,8 milliards d'euros, ses promoteurs avancent aujourd'hui qu'il coûtera 4 milliards, alors que la Cour fédérale des comptes le chiffre à plus de 8 milliards. Qu'en sera-t-il à la fin des travaux ? Tout cela alors que les caisses de la ville sont supposées être vides, qu'il n'y plus d'argent pour les cantines scolaires, etc. Ne pourrait-on pas améliorer la circulation des trains sans dépenser ces sommes astronomiques ?
Et puis le bâtiment de la gare qui doit être démoli est classé monument historique. À vrai dire, c'est un gros bloc de béton pas vraiment décoratif, mais le fait que la réglementation sur la protection des monuments soit levée pour une opération immobilière gigantesque en plein centre-ville choque bien des gens, comme le fait qu'un politicien de la CDU comme Michael Föll, adjoint au maire de Stuttgart pour l'économie, soit entré en juillet au Conseil consultatif de la société Wollf&Muller... qui a la charge de la destruction de la partie nord de la gare.
Déjà en 2005 un sondage avait indiqué que 58 % des habitants de la ville étaient contre le projet. Et en 2008 une pétition, signée par plus de 60 000 personnes, avait réclamé un référendum local sur le sujet... qui a été refusé par les autorités. Alors, ce mouvement multiforme n'est certainement pas exempt d'arrière-pensées électorales (les élections régionales auront lieu en mars 2011), mais il reste que, pour une fois, des décisions prises par les autorités ouvertement contre l'avis de la population ne passent pas sans réaction.