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- Lutte ouvrière n°2193
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Editorial
C'est le système capitaliste qui nous asphyxie
La canicule qui sévit en Russie a des conséquences dramatiques et l'incapacité des autorités à faire face à la catastrophe est patente.
Les habitants de Moscou et de nombreuses régions ne sont pas seulement accablés par la chaleur, ils sont asphyxiés par les fumées des incendies de dizaines de milliers d'hectares de forêts et de tourbières, que les autorités ne parviennent pas à contrôler. Les concentrations de gaz carbonique sont plusieurs fois supérieures aux normes considérées comme acceptables et, pour espérer pouvoir respirer, la population en est réduite à attendre la fin de l'été. Les morts se comptent sans doute par milliers parmi les personnes les plus vulnérables, notamment les personnes âgées, même si tous les chiffres ne sont pas communiqués.
Il ne manque pas de commentateurs pour voir dans l'incapacité du pouvoir russe un héritage de l'époque soviétique. Et de mettre en cause l'opacité du système politique russe, son autoritarisme, l'absence de contrôle démocratique possible de la part de la population, toutes choses évidemment bien réelles, mais qui ne sont pas propres à la Russie.
Et voilà qu'à l'occasion de cette catastrophe, on apprend aussi qu'après la fin de l'Union soviétique les services chargés de la protection de la forêt, nombreux et compétents, ont été démantelés. L'État issu de la révolution ouvrière de 1917 était malheureusement soumis à la dictature de bureaucrates, qui étaient désormais décidés à liquider tout ce qui restait de cette révolution. Ils déclaraient que dorénavant le seul mode de gestion valable était de faire ce qui rapportait le plus d'argent possible, et le plus vite possible, en commençant par ce qui pouvait grossir leur propre compte en banque. La protection des forêts et de l'environnement n'était donc pas sur la liste, sans parler des pompiers.
Ces services ont donc été pratiquement supprimés, le ministère de l'Environnement aussi, et la protection des immenses forêts du pays a été laissée à l'initiative éventuelle des autorités locales. Mais celles-ci, tout comme d'ailleurs les autorités centrales, s'occupaient d'abord de ce qui pouvait rapporter et mettaient à sac l'économie et le pays. En fait d'investissements utiles, les nouveaux riches russes s'empressaient d'aller dépenser l'argent ainsi dérobé en achetant des villas, sur la Côte d'Azur ou ailleurs, ou bien un club de football en Angleterre. Tout cela avec les applaudissements des dirigeants occidentaux devant cette conversion des dirigeants d'un pays se disant communiste aux soi-disant bienfaits du capitalisme.
La catastrophe qui sévit en Russie n'a donc pas seulement des causes naturelles. Ses conséquences sont aggravées, non par l'héritage du communisme, mais bien par la loi du profit capitaliste. L'incapacité du pouvoir russe n'a d'ailleurs d'égale que celle des gouvernements occidentaux. Il suffit de rappeler les 15 000 morts de la canicule de 2003 en France. Et puis, pour toute aide à la Russie, la France a été capable de fournir un bombardier d'eau, et l'Italie deux Canadair. Il n'est pas un été sans que les feux de forêt ne dégénèrent en catastrophe en Grèce ou au Portugal, en France ou en Espagne. Là aussi, la protection de la forêt et des populations et la lutte contre les incendies ne rapportent pas assez pour justifier que l'État y consacre des moyens : il a déjà bien trop à faire pour aider les banquiers à faire des profits.
De même, il n'y a pas une semaine que la société pétrolière BP est finalement parvenue à colmater la fuite de son puits du golfe du Mexique, une fuite qui a duré quatre mois et provoqué la pire des marées noires. Pour cette société, parmi les plus riches et dotée de la meilleure technologie, investir dans la sécurité aurait coûté trop cher, et surtout n'aurait pas rapporté. L'environnement en a payé les conséquences, de même que la population de la région et le personnel lui-même, qui a eu onze morts dans l'accident de la plate-forme.
Si l'on ajoute à tout cela la crise économique qui s'approfondit, c'est bien la gestion capitaliste de la société qui nous apporte chaque jour une démonstration de sa monstrueuse inefficacité. Et en effet la collectivité devrait pouvoir contrôler et décider de ce que font les autorités censées veiller à ses intérêts, mais aussi et surtout de ce que devient l'argent que s'approprient les banquiers et les capitalistes qui dirigent l'économie. Un système qui pourrait s'appeler le communisme, et sans lequel c'est toute la société qui est peu à peu asphyxiée.
Éditorial des bulletins d'entreprise du lundi 9 août