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Dans le monde
Blé : Les spéculateurs affament la planète
En un mois, le cours du blé a bondi de 35 % sur les places où se traitent les contrats, notamment à Paris et à Chicago. C'est le résultat de l'intense spéculation qui s'est amplifiée en juillet, au fur et à mesure que survenaient des événements climatiques catastrophiques pour les récoltes en cours. Les populations des pays les plus pauvres, une fois de plus, pourraient en être les principales victimes.
À partir du mois de mai, il était prévisible que la moisson de l'été 2010 serait mauvaise. Des pluies torrentielles dans les zones céréalières du Canada ou l'absence de pluie qui se prolongeait dans les régions russes productrices de blé laissaient présager le pire. La Russie et le Canada sont respectivement les deuxième et troisième exportateurs mondiaux de blé derrière les États-Unis. Le prix des contrats sur les tonnes de blé livrables après la moisson a donc commencé à monter. Puis, avec la canicule qui s'est prolongée en Russie, entraînant la perte de 20 % de la récolte, on a assisté à la ruée des fonds spéculatifs sur le marché du blé. Achetant et vendant les contrats à un rythme effréné, dans le seul souci d'un profit quasi instantané, ces spéculateurs ont amplifié la hausse. Le 21 juillet, le record absolu des transactions à Paris a été atteint : 50 000 lots, l'équivalent de 7 % de la récolte française, ont changé de main en un jour.
Les sociétés qui négocient ces contrats sont des fonds d'investissement agricoles, liés la plupart du temps aux grandes banques. Un des premiers a été créé en 1991 par Goldman Sachs, et depuis ils se sont multipliés au point de dominer aujourd'hui presque entièrement les marchés des matières premières agricoles. En 2008, un rapport des Nations unies estimait que 80 % des contrats de blé étaient détenus par de tels investisseurs, 65 % pour le maïs et 68 % pour le soja. Comme dans d'autres secteurs de la finance, ils peuvent influer sur les cours grâce aux volumes qu'ils traitent. Mais, dans le domaine des matières premières agricoles, cette spéculation a pour conséquence directe d'affamer les populations, en particulier celles des pays pauvres.
Les pays du Tiers Monde sont en effet les premiers importateurs des céréales commercialisées sur le marché international. L'Egypte, l'Algérie, le Nigeria ou les Philippines figurent ainsi parmi les plus gros acheteurs de blé. Toute hausse des prix y a forcément des conséquences catastrophiques. C'est ce qui s'était produit en 2008, où l'envolée des prix des produits de première nécessité, blé mais aussi riz ou maïs, avait provoqué des émeutes de la faim dans de nombreux pays : en Egypte, au Sénégal et en Côte d'Ivoire, à Haïti, en Indonésie ou aux Philippines.
Un tel système, capable de déclencher un désastre alimentaire mondial pour augmenter les profits de quelques-uns, mérite de disparaître.