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- Lutte ouvrière n°2188
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Editorial
Deux sous-ministres «démissionnés» : Dégâts collatéraux de l'affaire Bettencourt-Woerth
L'affaire Bettencourt-Woerth vient donc de faire ses premières victimes collatérales. Oh, en poussant à la démission Christian Blanc et Alain Joyandet, Sarkozy n'a pas sacrifié deux agneaux innocents !
Blanc, secrétaire d'État à l'Aménagement du Grand-Paris, s'est fait un nom en se faisant payer par l'État pour 12 000 euros de cigares en dix mois.
Joyandet, secrétaire d'État à la Coopération et à la Francophonie, outre une sombre histoire de trafic d'influence afin d'obtenir un permis de construire pour sa villa en Provence, s'est fait remarquer en louant, toujours aux frais de l'État, un jet privé pour la modique somme de 116 500 euros. Et ce pour aller présider une conférence en Martinique et en revenir à temps pour un Conseil des ministres ! Petit détail qui donne à l'affaire une allure encore plus écoeurante : la conférence était consacrée à la reconstruction d'Haïti !
Faut-il préciser que la population pauvre d'Haïti, durement frappée par le tremblement de terre, continue à patauger dans la gadoue au milieu des ruines, sans qu'elle voie la couleur de l'aide internationale, pendant qu'un ministricule prétend se pencher sur son sort en dépensant rien que pour son transport l'équivalent du salaire quotidien de 38 000 ouvriers haïtiens ? Plus que la totalité des travailleurs de la zone industrielle de Port-au-Prince !
Les deux sous-ministres ne sont certes pas les plus à plaindre parmi les licenciés de ce pays. Comme s'en vante Joyandet sur son blog : « Je n'ai jamais eu besoin de la politique pour vivre. » En effet, s'il reste accessoirement conseiller régional et maire de Vesoul, il est surtout propriétaire de trois sociétés de vente-achat de bateaux de plaisance.
Ce n'est pas une crise de probité de la part de Sarkozy-Fillon qui leur a valu d'être mis à la porte du gouvernement. Les turpitudes de ces deux membres du gouvernement ne datent pas d'hier. Mais c'est maintenant qu'il faut essayer de faire un contre-feu à l'affaire Woerth-Bettencourt.
C'est que les liens de l'ex-ministre du Budget avec la femme la plus riche du pays continuent à faire des vagues. L'affaire vient d'être alimentée par la ristourne de trente millions d'euros que le fisc a versés à Mme Bettencourt au titre du bouclier fiscal. « Je n'ai pas contresigné cela », jure Woerth.
Et les politiciens de l'opposition, comme une partie de la presse, de broder sur la vraisemblance ou pas de cette affirmation, comme plus largement sur la « prise illégale d'intérêts » dont Woerth est soupçonné, étant donné qu'il était ministre du Budget en même temps que sa femme était conseillère fiscale de la société qui gère la fortune privée de Mme Bettencourt.
Mais le véritable scandale n'est même pas là. Le véritable scandale c'est que, légalement ou pas, trente millions de ristourne ont été versés par le fisc à une milliardaire au titre de l'année 2009 ! Une année de crise, où les licenciements et les fermetures d'entreprises se sont succédé, où a été mis en ordre de marche le plan d'austérité frappant les classes populaires et où s'est élaborée cette réforme de la retraite qui implique pour des millions de salariés deux années de travail en plus, ou alors une pension amoindrie (parfois les deux).
Cela la fiche mal que celui qui, en qualité de ministre du Travail, est chargé de ce racket sur les salariés qu'est la « réforme des retraites », soit soupçonné de largesses à l'égard des plus riches. Autant larguer deux sous-ministres dont on ne sait pas à quoi ils servent (à rien, sans doute, puisqu'on n'a même pas pris la peine de les remplacer) !
Rien ne dit que cela mettra fin au climat délétère qui règne aux sommets de l'État.
La droite est particulièrement représentative de ce monde où se côtoient, se croisent, le monde de l'argent et celui de la politique, et où les politiciens sont portés à rendre de petits services aux amis fortunés et, à l'occasion, à prélever leur petite commission.
Les dirigeants du Parti Socialiste se sont d'autant plus facilement emparés de l'affaire qu'étant dans l'opposition il leur est bien plus facile de s'en prendre à la corruption des hommes politiques de la droite, et aux liens de Sarkozy et de ses ministres avec le monde des riches, que de prendre des engagements du côté des classes populaires. Mais, que les équipes politiques qui se succèdent au gouvernement défendent un peu trop leurs intérêts privés, ou qu'elles servent honnêtement la bourgeoisie, c'est toujours la bourgeoisie qu'elles servent.
Éditorial des bulletins d'entreprise du 5 juillet