- Accueil
- Lutte ouvrière n°2184
- Chatel veut modifier les rythmes scolaires : Quels intérêts commandent les dates de vacances ?
Leur société
Chatel veut modifier les rythmes scolaires : Quels intérêts commandent les dates de vacances ?
Le ministre de l'Éducation nationale, Luc Chatel, n'est pas à court d'idées. À peine a-t-il lancé un ballon-sonde sur le sport à l'école l'après-midi, qu'il en propulse un nouveau concernant les rythmes scolaires. S'appuyant sur une comparaison avec d'autres pays, il en déduit que les vacances en France seraient trop longues, l'emploi du temps des élèves trop chargé, bref, que le rythme scolaire actuel serait seul responsable des mauvais résultats des élèves français par rapport à leurs homologues européens.
Chatel a donc chargé une commission de réfléchir sur le sujet et d'émettre un projet de réforme applicable en 2013. Cela laisse le temps à bien des déclarations, des propositions et contre-propositions. Mais ce qui est sûr c'est que, si un changement des rythmes scolaires voit le jour, l'intérêt des élèves ne sera pas la priorité. L'histoire des congés depuis la création de l'école publique par Jules Ferry en 1882 montre que ce sont toujours et d'abord les intérêts économiques qui ont influé sur les rythmes scolaires, loin devant les considérations pédagogiques, quand elles existaient.
La loi du 28 mars 1882 fixa un calendrier pour les écoles primaires : cinq jours de classe pendant les trente-sept semaines de scolarité, et quinze semaines de vacances. Un arrêté publié en 1891 les concentra principalement sur l'été, entre le 1er août et le 1er octobre, et un autre de 1912 étendit ces vacances d'été à dix semaines, les faisant commencer le 14 juillet. Alors que la majorité de la population française était rurale, ces dix semaines répondaient aux voeux des agriculteurs qui employaient leurs enfants aux travaux des champs, pour les récoltes et les vendanges. Ce n'est qu'en 1960 que la rentrée fut avancée au 16 septembre. Néanmoins, les inspecteurs d'académie pouvaient accorder des autorisations d'absence aux enfants de plus de 12 ans dans les secteurs viticoles entre le 15 et le 30 septembre.
À partir des années 1960 toutefois, avec le déclin de la paysannerie, les intérêts des agriculteurs ne sont plus une priorité. En revanche, il faut tenir compte des industriels qui concentrent les congés payés sur les mois de juillet-août : en 1961, le début des grandes vacances fut donc fixé au 28 juin. À ceci s'ajoutèrent les souhaits d'un nouveau secteur économique en extension, celui du tourisme, avec en particulier le développement des sports d'hiver. La rentrée fut alors progressivement ramenée début septembre, tandis que des vacances d'hiver apparaissaient.
La même année débuta donc la coopération entre le ministère de l'Éducation nationale et celui du Tourisme pour établir le calendrier scolaire. À partir de la rentrée 1964 fut mise en place la division en deux, puis trois zones, pour les petites vacances. En 1972, le mercredi de congé remplaça le jeudi, tandis que la semaine scolaire se terminait le samedi midi, pour permettre les départs en week-end. Dans cette décennie, les vacances d'hiver furent rallongées à deux semaines et étalées entre février et mars, tandis que celles de printemps commençaient en avril selon les zones, pour que les stations de sports d'hiver puissent faire le plein les mois d'enneigement. Au moins n'y avait-t-il nulle hypocrisie dans le choix de ce calendrier, l'intérêt pédagogique des élèves n'étant pas mis en avant, juste celui des professionnels du tourisme !
En ce qui concerne les rythmes hebdomadaires et quotidiens, c'est Darcos, le prédécesseur de Chatel, qui a instauré en 2008 la semaine de quatre jours d'école, rallongeant par conséquent la journée de travail des élèves, même si deux heures de cours hebdomadaires ont été supprimées. Mais cela permettait à une frange plus large de gens qui en ont les moyens de partir en week-end.
Les dates des congés scolaires telles qu'elles furent fixées ont à chaque fois privilégié des intérêts économiques, les considérations pédagogiques et l'intérêt des enfants coïncidant rarement avec les choix. Nul doute qu'il en sera de même pour l'actuelle réforme à l'étude... au moment où la principale préoccupation du gouvernement est de restreindre tous les budgets.