BP : Les actionnaires premiers servis09/06/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/06/une2184.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

BP : Les actionnaires premiers servis

Cela fait un mois et demi que la plate-forme de forage Deepwater Horizon de la British Petroleum a explosé, provoquant dans le golfe du Mexique une gigantesque marée noire. Municipalités, comtés, parlementaires, gouverneurs, président : toutes les autorités peuvent bien dénoncer les dégâts sur l'environnement, la faune, la pêche, le tourisme, avertir et menacer la compagnie pétrolière. Il n'empêche que la principale priorité de cette dernière est toujours de donner satisfaction à ses actionnaires.

À en croire Obama et toute la presse, BP devrait cette année leur verser un dividende de 10,5 milliards de dollars, analogue à celui de 2009.

C'est précisément cette priorité qui a provoqué la catastrophe. Pour augmenter ses profits, BP a économisé sur les mesures de sécurité accompagnant le forage en haute mer. Il s'est contenté d'un tuyau de forage simple, alors que l'usage à de telles profondeurs est un tuyau à double paroi. Avant la mise en exploitation du puits, il a décidé de le fermer temporairement et a confié ce travail à Haliburton, la société de services pétroliers liée à l'administration Bush et qui s'est tristement illustrée par sa rapacité en Irak. L'engin de 450 tonnes utilisé comme bouchon pour sceller le puits et empêcher toute explosion était notoirement défectueux et n'a pas fonctionné.

Là encore la règle était le moindre coût, et les tests sur les fuites de gaz ont été bâclés, malgré les avertissements des techniciens. Le fluide lourd à l'intérieur du tuyau de forage a été remplacé par de l'eau de mer, beaucoup plus légère et offrant moins de résistance aux gaz.

De telles économies n'ont pas de conséquences visibles en temps normal. Jusqu'au jour où se présente un problème sérieux, et là c'est la catastrophe. Une catastrophe qui a un double visage : d'un côté la pollution, les blessés, les morts, qui touchent la population, de l'autre des pertes financières pour la compagnie, qui risque d'avoir à verser des centaines de milliers si ce n'est des milliards d'indemnités. De telles pertes seraient redoutables pour BP, qui craint par-dessus tout une baisse en Bourse, une dévaluation brutale, une OPA faisant fuir ses actionnaires. BP n'a pas encore réussi à boucher la fuite de pétrole, mais l'annonce d'un dividende inchangé a jusqu'ici coupé court à la spéculation contre le titre et rassuré les actionnaires. Ce n'est pas seulement par cynisme que les dirigeants de BP ont annoncé leurs profits, alors que la fuite n'est pas colmatée, mais par nécessité pour se protéger de leurs concurrents prédateurs.

Et où ces milliards destinés aux actionnaires seront-ils pris ? Dans les profits présents et passés de BP, et au besoin dans des emprunts que les banques ou l'État britannique lui consentiront volontiers. Dans ce cas, c'est les travailleurs britanniques qui seront mis à contribution pour « sauver BP » !

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