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- Lutte ouvrière n°2183
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Espagne - Le juge Garzon enquêtait sur la corruption de la droite actuelle et sur les crimes de celle d'hier : Suspendu !
Samedi 15 mai, il y a eu des rassemblements de soutien au juge Garzon dans une vingtaine de villes espagnoles, mais aussi dans plusieurs villes françaises, à Bruxelles, à Londres, aux États-Unis, à Buenos Aires et dans d'autres villes d'Amérique latine. Partout, les manifestants entendaient dénoncer le sort fait au juge Baltasar Garzon, suspendu la veille de ses fonctions. À 54 ans, il risque vingt ans d'interdiction d'exercice de sa profession, ce qui mettrait un terme à sa carrière.
Ce juge est connu pour avoir inculpé Pinochet quand le dictateur argentin séjournait en Grande-Bretagne et avoir poursuivi des dictateurs ou des tortionnaires argentins. Il s'est aussi attaqué au terrorisme des nationalistes basques de ETA ainsi qu'aux groupes paramilitaires du GAL.
Mais c'est parce qu'il a voulu enquêter sur les disparus de la guerre civile de 1936-1939, victimes du franquisme qui exécuta plus de 100 000 adversaires parmi ceux qui avaient pris les armes pour s'opposer au coup d'État militaire de Franco, qu'il a été suspendu.
En effet cette recherche judiciaire se heurtait à la loi d'amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort de Franco, un des éléments de la remise en place d'un régime parlementaire et de la monarchie, fruit d'un compromis pourri entre tous les partis espagnols, de la droite ex-franquiste à la gauche socialo-stalinienne.
Ceux qui ont poursuivi Garzon en justice sont plusieurs mouvements d'extrême droite nostalgiques du franquisme, estimant que Garzon outrepassait ses compétences en enquêtant sur les crimes de leurs ancêtres politiques. C'était pourtant bien normal. Après tout, les juristes estiment en général que les exécutions sommaires sans jugement, que les troupes franquistes ont multipliées contre leurs opposants, sont des crimes contre l'humanité, imprescriptibles. Et il y a aussi de bonnes raisons de questionner les années 1977-1982 où le monde politique espagnol tenta de faire oublier quarante années de dictature franquiste.
Garzon est un juge qui apparemment non seulement croit au rôle de la justice dans un État qui se prétend démocratique, mais n'hésite pas à s'en prendre aussi bien à la droite qu'à la gauche. Mais il se heurte à forte partie, surtout avec la droite espagnole et ses solides traditions réactionnaires, et a fort à faire avec toute une partie de l'appareil d'État, qui n'aime pas du tout qu'il se mêle de ce qui, d'après elle, ne le regarde pas : des crimes du franquisme aux affaires de corruption actuelles du Parti Populaire (PP).
Le temps n'est plus où ces gens-là pouvaient passer par les armes ce genre de magistrat, mais visiblement ce n'est pas l'envie qui leur manque.