Portugal : Un plan d'austérité contre la population31/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2174.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Portugal : Un plan d'austérité contre la population

Le jeudi 25 mars, le gouvernement socialiste portugais a fait adopter par le Parlement une motion de soutien à son plan d'austérité annoncé au début du mois. Le Parti Socialiste a bien sûr voté pour et, comme il n'a pas de majorité au Parlement, le principal parti de droite, bien d'accord sur le fond, s'est, lui, abstenu. Le plan d'austérité, pudiquement appelé plan de stabilité et de croissance (PEC), veut aggraver la pression sur les travailleurs, sous le prétexte cette fois que, à la suite de la Grèce, le Portugal serait menacé par la spéculation internationale sur la dette publique.

La dette du Portugal est actuellement évaluée à 130 milliards d'euros et en 2009 le déficit public a été officiellement de 9,3 %. Mercredi, l'agence Fitch, agence privée qui établit un classement des pays en fonction de leurs possibilités financières, avait baissé d'un cran la notation de la dette à long terme du Portugal, constatant que jusqu'à présent la crise ne l'a pas frappé plus durement que les autres pays, mais que ses perspectives de reprise économique seraient plus faibles. Du coup, la Bourse a chuté à Lisbonne et à Madrid.

Le Premier ministre portugais, le socialiste José Socrates, prétend que son plan ramènera en 2014 le déficit à 2,8 %. Qu'il atteigne son objectif ou pas, ce qui est sûr, c'est qu'il va aggraver le sort des salariés. Les fonctionnaires seront les premiers touchés : leurs salaires seront bloqués pendant quatre ans, un départ en retraite sur deux ne sera pas remplacé. Mais c'est toutes les dépenses sociales qui vont être réduites : coupe de 600 millions dans le budget de la Sécurité sociale, de 130 millions dans celui du RMI, un contrôle plus strict et sans doute la baisse des indemnités chômage, des restrictions de toute sorte, en particulier dans les aides à l'emploi des jeunes et aux chômeurs de longue durée.

Le plan touche aussi l'économie. Une série de privatisations devrait rapporter 6 milliards à l'État, dont 1,2 dès cette année. Des grands travaux sont remis à plus tard, en particulier la construction de deux lignes TGV. Jusqu'à présent, ces grands travaux étaient présentés comme le remède miracle pour créer de l'emploi et rétablir quelque peu le produit intérieur brut (PIB), en baisse de 2,7 % l'an passé ! La seule mesure qui pourrait toucher quelque peu les riches est une hausse provisoire de 2 % de l'impôt sur les revenus de plus de 150 000 euros annuels.

Le plan d'austérité va aggraver une situation sociale déjà très dégradée depuis des années. Le chômage frappe 9,8 % des actifs : 550 000 personnes, dont 250 000 ne sont pas indemnisées du tout. La construction a reculé de 10 % en 2009. Ce secteur a perdu 120 000 emplois depuis 2002 et, selon la fédération patronale, 96 000 devraient encore disparaître cette année. Non loin de Porto, les régions du textile et de la chaussure sont sinistrées. Selon le syndicat CGTP, le chômage aurait augmenté de 2 % de janvier à mars de cette année. Il dépasse 10 % au sud en Alentejo et en Algarve, et dans le nord, 11 % parmi les femmes. Parmi les jeunes, il est de plus de 21 % Et la moitié des chômeurs le sont depuis plus d'un an.

Ce chômage s'accompagne d'une dégradation accélérée des conditions de travail, la flexibilité des horaires touche un salarié sur deux, la précarité est de plus en plus grande. Le recours à « l'autoentreprise » transforme les salariés en « indépendants », bien souvent à l'intérieur même de l'entreprise, et se traduit par la perte des garanties liées au statut de salarié. On voit reparaître le fléau des salaires non payés, pour contraindre les travailleurs à démissionner. Bien souvent, une fermeture d'entreprise cache une réduction d'effectifs : ainsi la fabrique de chaussures Rohde de Santa Maria da Feira, qui licencie 834 de ses 984 salariés et crée une « nouvelle » usine avec les 150 qu'elle a gardés.

Contre les attaques du patronat et du gouvernement, les travailleurs se défendent comme ils peuvent. On ne compte plus les grèves contre des fermetures d'entreprises ou des salaires en retard. Le secteur hospitalier a été paralysé les 30 septembre et 1er octobre par une grève de l'ensemble du personnel, puis en janvier par trois jours de grève des infirmiers. Le 4 mars, c'est toute la fonction publique qui a fait grève massivement contre les premières annonces du plan gouvernemental. Écoles, hôpitaux, tribunaux, mairies étaient fermés. Les pilotes de la compagnie aérienne nationale TAP doivent faire grève contre le gel des salaires et la privatisation qui s'annonce.

La classe ouvrière portugaise réagit et n'accepte pas qu'on lui fasse payer la crise, que ce soient les patrons ou les ministres prétendus socialistes qui veulent le lui imposer. Mais pour gagner, c'est tout le système qu'il lui faudra remettre en cause.

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