Industrie pharmaceutique : Du rififi à l'OMS31/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2174.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Industrie pharmaceutique : Du rififi à l'OMS

Cela ressemble à un polar de John Le Carré dans le milieu de l'industrie pharmaceutique.

L'histoire commence le 8 décembre 2009 quand le site wikileaks (leaks = fuites, en anglais...), spécialisé dans la mise en ligne de dossiers destinés à rester secrets, publie un rapport confidentiel de l'OMS. Ce rapport, rédigé par des « experts », est consacré aux « maladies négligées ». Celles-ci, comme le paludisme et la leishmaniose viscérale, tuent chaque année des millions de personnes dans les pays pauvres, mais n'intéressent pas les laboratoires pharmaceutiques, puisque les populations qui en sont atteintes ne sont pas solvables. Et pour contraindre - un peu - les laboratoires, le rapport propose entre autres l'idée d'une taxe sur leurs bénéfices, qui serait destinée à financer la recherche.

Au même moment, une autre fuite concerne cette fois la Fédération internationale des fabricants de médicaments (IFPMA), une association dont tous les plus gros labos sont adhérents. Dans une courte note, ceux-ci font état de leurs commentaires sur le rapport et s'offusquent notamment de la taxe sur les bénéfices, la jugeant « contre-productive ». Preuve était alors faite que l'IFPMA avait eu connaissance du rapport confidentiel et donc que très vraisemblablement des « experts » le leur avaient remis.

Mais l'histoire s'est corsée le 18 janvier, lors d'une réunion du Conseil exécutif de l'OMS. Une synthèse du rapport sur les « maladies négligées » a alors été remise aux participants. Et là, surprise : plus aucune trace de la proposition de la taxe sur les bénéfices ! Ainsi donc le poids de l'IFPMA, c'est-à-dire le poids des laboratoires de l'industrie pharmaceutique, a permis la suppression des conclusions des « experts », voire les a convaincus de l'inopportunité de leurs conclusions. Bel exemple de cette fameuse indépendance dont on voudrait les parer !

Depuis, une enquête est en cours au siège de l'OMS. Et sa directrice générale promet même de faire lever l'immunité diplomatique des experts auteurs du rapport et de lancer une enquête interne concernant la « fuite » du rapport confidentiel. Suite de l'histoire, le 17 mai prochain lors de l'Assemblée mondiale de la santé. On saura alors si le rapport est revenu à son texte d'origine.

Quant à contraindre les industriels de la pharmacie à mettre au point des médicaments pour les « maladies négligées », afin de soigner les populations des pays pauvres, il y faudra bien autre chose qu'un rapport de l'OMS.

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