La suppression des juges d'instruction en chantier : La justice sera encore plus pour les riches17/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2172.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La suppression des juges d'instruction en chantier : La justice sera encore plus pour les riches

Les manifestations de magistrats et avocats se sont multipliées contre la nouvelle réforme judiciaire lancée par le gouvernement. Au coeur de cette nouvelle réforme, il y a la suppression des juges d'instruction. Ceux qui manifestent l'ont surtout fait au nom de la défense de libertés et de leur corporation, car pour une fois l'ensemble des syndicats de magistrats étaient rassemblés, y compris ceux qui n'ont jamais été classés à gauche.

C'est peu dire qu'aujourd'hui la justice n'est pas tendre envers les gens du peuple, et ô combien compréhensive vis-à-vis des plus riches. Les juges font appliquer des lois faites pour protéger les possédants. Mais ce qui se prépare est encore pire.

À l'heure actuelle, dans 96 % des cas, ce sont les procureurs qui envoient directement devant les juges les personnes qu'ils ont décidé de poursuivre, en passant parfois au préalable par la case prison. Ces procureurs sont sous les ordres du ministère de la Justice. Dans 4 % des cas seulement, pour les affaires dites « les plus graves », le procureur décide de confier celles-ci à un juge d'instruction. Mais cela représente tout de même des milliers d'affaires par an.

Contrairement au procureur, qui se contente d'accuser des personnes, le juge d'instruction doit, en principe, vérifier « de manière impartiale » la réalité de ce qui est reproché par le procureur qui lui a transmis le dossier. C'est ce qu'on appelle : « instruire à charge et à décharge « . C'est donc l'État, et les services de police qui doivent vérifier la justesse des accusations, sans que cela soit à la charge des personnes poursuivies. Dans beaucoup de cas, les juges d'instructions se contentent de finir ce que le procureur a commencé, mais pas toujours : grâce à ce système, des personnes poursuivies se retrouvent innocentées des accusations portées contre elles.

La réforme voulue supprimerait les 600 juges d'instruction existants, 10 % du total des juges dans le pays, et laisserait aux seuls procureurs, dans tous les cas, la charge de poursuivre des personnes ou de classer les affaires. Les personnes accusées souhaitant se défendre et prouver la fausseté des accusations portées contre elles devront donc se payer un avocat et des enquêteurs capables de l'établir.

La suppression des juges d'instruction permettrait à l'État de faire des économies, en supprimant des centaines de juges et en réduisant le travail des officiers de police judiciaire, qui n'auront plus à s'occuper d'enquêter « à décharge ». Elle permettrait ensuite d'éviter ce que le pouvoir et les puissants considèrent comme des bavures, c'est-à-dire le zèle de certains juges d'instruction qui croient que la justice, aussi imparfaite soit-elle, devrait s'appliquer à tous de la même façon, aux patrons, aux riches et aux politiciens. Sous la conduite exclusive des procureurs, placés sous les ordres du ou de la ministre de la Justice, le risque de tels « dérapages » serait fortement diminué.

Pour pouvoir se défendre, faudra-t-il disposer de sommes considérables ? Une contre-enquête avec des détectives privés compétents capables de démolir les fausses accusations, fussent-elles fabriquées par la police, pourrait le nécessiter. Ce n'est pas de la fiction, c'est ce qui se passe aux États-Unis, et ce que tout le monde peut voir tous les soirs à la télévision dans les séries américaines, pays où il n'y a pas de juges d'instruction, mais seulement des procureurs. Résultat, les pauvres, coupables ou innocents, s'entassent dans les prisons ou sont exécutés, pendant que les riches, coupables ou pas, peuvent s'offrir à coup de millions, les moyens de s'en sortir.

On avait déjà une justice de classe, on nous en prépare maintenant une encore plus dure aux petites gens.

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