Non-remplacement des enseignants : Les élèves victimes10/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2171.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Non-remplacement des enseignants : Les élèves victimes

Des parents d'élèves de Seine-Saint-Denis ont porté plainte contre le ministre de l'Éducation nationale Luc Chatel pour « faute grave d'organisation du service public d'éducation », déplorant le non-remplacement de professeurs absents.

Cette action s'est faite à l'initiative d'un père d'élève de Pantin dont la fille, scolarisée en CE1, a été « en face de 18 maîtres ou maîtresses différents depuis son entrée en CP et a manqué sur les six derniers mois treize jours de classe d'un enseignement obligatoire ». Il a déposé une seconde plainte concernant l'enseignement de langue vivante donné à sa fille, « qui n'a débuté que le 23 janvier 2010 et non à la rentrée de septembre 2009 ». Sur la commune de Pantin, il manque régulièrement 12 à 13 enseignants à cause du manque de remplaçants, a-t-il ajouté.

Ce constat n'est pas limité à un seul département. En janvier, la FCPE dénonçait l'incapacité pour le ministère de l'Éducation nationale à assurer les remplacements, ce qui fait perdre en moyenne à un élève une année entière de cours pendant sa scolarité ! Et dans une lettre ouverte adressée le 1er mars au ministre, elle demande des moyens humains pour que les remplacements puissent être assurés dès le premier jour d'absence d'un enseignant, et par conséquent de mettre un coup d'arrêt aux suppressions de postes, rejoignant sur ces points les revendications des enseignants.

Selon une enquête menée par le ministère il y a quelques mois, sur dix enseignants absents, six seraient remplacés ; il n'y a pas de quoi s'en féliciter, puisque cela veut dire que quatre ne le sont pas ! Et pourtant, nombre d'absences sont prévisibles, ne serait-ce que les congés maternité qui, selon Chatel lui-même, forment 38 % des absences, de même que les journées de formation ou les convocations à des réunions provenant des inspections académiques. Or, de nombreux témoignages montrent que des enseignantes en congé maternité ne sont pas toujours intégralement remplacées, et quand il s'agit de journées, dans le secondaire, la loi fixe un « délai de carence » de quatorze jours avant que le responsable d'établissement puisse demander un remplaçant, ce qui ne veut pas dire l'obtenir immédiatement ! Comme il y a de moins en moins de surveillants pour surveiller des permanences, les jeunes sont souvent renvoyés chez eux... ou dans la rue.

Dans une interview accordée au journal Le Parisien du 9 mars, Luc Chatel a bien été obligé de reconnaître qu'il y avait un problème. Devant la conjonction des revendications des enseignants et des parents d'élèves, il n'a pas osé entonner les trompettes réactionnaires accablant les professeurs pour leurs absences. Mais les solutions qu'il avance sont, comme d'habitude, des formules creuses qui ne pourront rien résoudre.

Le ministre propose d'abord que chaque établissement désigne un « pilote » chargé du remplacement, qui devra avertir le rectorat dès le premier jour d'absence d'un enseignant. Pourtant, cela se fait déjà dans le primaire, mais trop souvent, aucun remplaçant n'est envoyé et les enfants sont répartis entre différentes classes, les surchargeant encore plus. Il veut aussi faire appel à des jeunes retraités de l'Éducation nationale pour assurer ces remplacements, ainsi qu'à des étudiants ou à des adultes diplômés qui, eux, n'auront d'autre formation pédagogique que les trois heures attribuées par les rectorats. Cela leur suffira peut-être pour faire de la garderie, mais certainement pas pour assurer la continuité des cours.

Enseignants et parents d'élèves dénoncent la politique d'économies faites par le gouvernement sur le dos des élèves. 50 000 postes ont été supprimés depuis 2007 dans l'Éducation nationale, 16 000 autres le seront à la prochaine rentrée, dont 3 000 titulaires remplaçants. Beaucoup ont déjà été affectés sur des postes fixes pour boucher les trous, lorsque le manque de personnel rendait impossible le déroulement normal des cours. Mais Chatel ne veut pas revenir sur cette politique, car payer un vacataire quelques jours ou quelques semaines par an revient moins cher qu'embaucher un enseignant titulaire remplaçant. Pour le ministre, l'intérêt des élèves n'est pas prioritaire.

Partager